Le vendredi 20 mars, l'équipe de France masculine affronte son homologue turc à la piscine Georges-Vallerey (20e arrondissement de Paris). Une affiche qui devrait combler d'aise les aficionados de la discipline. Reste qu'à l'instar de tous les « sports co », le water-polo se décline aussi au féminin. Mais la femme est-elle l’égale de l’homme, balle (mouillée) en main ?
C’est un fait établi depuis maintenant plusieurs décennies, les femmes arpentent avec plaisir et bonheur tous les terrains de sports collectifs, longtemps considérés comme territoires réservés aux hommes. Handballeuses, basketteuses, voire footballeuses ou rugbywomen se permettant même parfois – au gré de leurs résultats ou de leur… plastique - de « piquer » à leurs homologues masculins le capital sympathie des spectateurs ou, mieux encore, les sommets des audiences télévisuelles. Mais le water-polo peut-il se vanter du même succès ?
Créé, paraît-il, par les dockers (quel métier plus masculin que celui-là) du port de Londres au XIXème siècle, le water-polo a en tout cas mis un certain temps à « accepter » les femmes. C’est ainsi qu’il faut attendre la fin du siècle suivant pour voir l’apparition de championnats nationaux (1) et des premières compétitions continentales (2). Voire même les Jeux olympiques de Sydney en… 2000 pour que les filles fassent, elles-aussi, leur entrée dans le saint des saints des sportifs (3).
De là à parler de parfaite égalité, il y a un pas que Clémence Clerc (photo ci-dessus), capitaine des « Bleues » se gardent bien de franchir. « Si hommes et femmes disputent les mêmes compétitions, le water-polo féminin n’est pas en tout point comparable au sport pratiqué par les garçons. Au niveau des règles tout d’abord puisque nous jouons sur un terrain aux dimensions plus étroites (25x20m au lieu de 30x20) et avec un ballon plus petit. Deux différences qui nous permettent cependant de nous rapprocher de nos homologues masculins, tant au niveau de la puissance de shoot que nous permet « notre » ballon, que du temps d’attaque, fixé pour tous à 30 secondes, mais plus facile à valoriser sur un champ de jeu plus réduit pour nous qui nageons moins vite que les garçons » ! Ou comment se rapprocher de l’égalité… dans la différence.
Passionnée par son sport, l’étudiante en master II de sciences politiques est intarissable sur le sujet. « Nous ne pouvons rivaliser avec la puissance des garçons que l’on peut apprécier en particulier au niveau des shoots ou des actions en pointe. Le water-polo féminin se veut donc plus stratégique, plus basé sur le mouvement ».
Et ce même si les morphotypes ne sont pas si différents entre poloïstes masculins et féminins. « Les gardiens et les gardiennes de but sont souvent grands, fins, élancés ; les joueurs qui évoluent sur les côtés sont plus petits, plus secs, tandis que dans l’axe (pointe et défense pointe), on retrouve des gabarits plus costauds, plus charpentés », analyse avec pertinence cette grande et belle jeune fille d’1,85m. « Avec ma taille, j’ai donc été, dès mes débuts, dirigée vers un poste axial que j’occupe toujours avec mon club (4) ou en équipe de France, mais le water-polo féminin n’est pas réservé à un certain type de filles ».
Et pour en être définitivement convaincu laissons encore une fois la parole à Clémence Clerc. « Faire du water-polo transforme le corps d’une femme bien évidemment, mais comme tous les sports. La sportive est plus musclée et a parfois une apparence physique qui s’éloigne de la représentation du corps féminin qui a été véhiculée depuis la nuit des temps par la culture ambiante. Le water-polo en particulier développe le haut du corps, les épaules. Peut-être plus que la « normale ». Mais ça on s’en rend compte uniquement quand on va faire du shopping et qu’on a du mal à trouver une robe car on aime aussi porter des robes », conclut dans un dernier sourire la capitaine des « Bleues ».
J.-P. C.
(1) 1983 en France avec le sacre du Racing
(2) Premier championnats d’Europe en 1985 (1926 pour les hommes), premiers championnats du monde en 1986 (1973 pour les hommes)
(3) Le premier titre olympique revient à l’Australie
(4) Le Lille Université Club avec lequel Clémence Clerc a été sacrée championne de France la saison passée.