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Il y a des signes qui ne trompent pas, des sourires qui en disent long, malgré la fatigue, le stress et les enjeux. Il y a aussi ces regards, ces embrassades, cette bienveillance collective et tous ces petits détails qui semblent indiquer que l’équipe de France de natation artistique vit bien ensemble, très bien même. Il faut dire que depuis le passage de huit à dix équipes pour les JO l’ambiance a changé. Radicalement. A présent, les Bleues rêvent ouvertement aux Jeux. C’est que le rendez-vous est de taille. Un Everest. Quoi de plus beau au fond que de voir un duo et une équipe tricolore se qualifier pour les JO de Tokyo en 2020 ? Les Françaises y croient. Julie Fabre encore plus, à condition toutefois de travailler et de se donner les moyens de rêver.

Au moment de faire le bilan des championnats d’Europe de Glasgow, on a le sentiment que quelque chose de profond a changé au sein de l’équipe de France de natation artistique. Comme si le passage de huit à dix équipes pour les Jeux Olympiques avait fini de décomplexer les Françaises. Faîtes-vous le même constat ?

Les athlètes rêvent des Jeux ! Partant de là, tout a changé. Il va falloir travailler, ce sera douloureux et intense, mais il est certain que les filles sont totalement investies dans le projet olympique.

Qu’entendez-vous exactement par « douloureux » ?

L’année prochaine, les filles devront s’entraîneur deux fois plus. Il faudra aussi multiplier les compétitions pour poursuivre leur apprentissage du haut niveau. Les Françaises doivent aussi apprendre à échouer. C’est une étape importante. Echouer, se remettre en question et grandir au lieu de s’effondrer. Le haut niveau passe aussi par ce genre d’expérience.

Maureen Jenkins et Eve Planeix (Deepbluemedia).

D’autant plus que le collectif national est jeune. Estimes-tu d’ailleurs que le délai qui vous sépare du tournoi de qualification pour les Jeux de Tokyo (printemps 2020) est suffisant pour que les Bleues gagnent en expérience ?

Je ne me pose pas la question car nous ne disposons d’aucune autre alternative. Il faudra que ce soit suffisant ! L’apprentissage sera express, mais il a déjà commencé.

La retraite d’Iphinoé Davvetas peut-elle être préjudiciable à la progression du groupe ?

L’équipe me paraît suffisamment solide pour combler ce départ. Il me semble aussi qu’on parvient à maintenir un lien avec les anciennes nageuses. Une Laura Augé, par exemple, passe régulièrement à l’INSEP pour échanger avec les filles. Elle continue de leur transmettre des choses. Ce sera la même chose avec Iphinoé.

Eve Planeix (Deepbluemedia).

Pendant longtemps, la natation artistique tricolore peinait à conserver ses nageuses. Aujourd’hui, le groupe est totalement concentré sur les Jeux de Paris en 2024. Est-ce idéal pour construire l’avenir et préparer ce rendez-vous suprême ?

C’est forcément une bonne chose, mais je ne me fais pas d’illusions, il y aura des départs ! L’histoire est en train de se construire. Les filles ont envie de partager cette aventure olympique ensemble. C’est déjà une victoire pour le staff. Cependant, il est inévitable que certaines nous quittent en cours de route car cette génération, contrairement aux précédentes, est préoccupée par son avenir. A leur âge, je n’y pensais pas du tout alors qu’elles ont pleinement conscience que l’entrée dans la vie active n’est pas un passage aisé.

Il paraît cependant difficile pour les Françaises de courir deux lièvres à la fois.

Voilà pourquoi nous devons poursuivre le processus de professionnalisation de la discipline entamé depuis quelques années. Il faut trouver une compensation pour qu’elles restent avec nous pendant six années.

Laura et Charlotte Tremble (Deepbluemedia).

Ces championnats écossais ont-ils permis de marquer l’esprit des juges dans l’optique des prochains rendez-vous internationaux ?

Je le pense, en effet ! Toutefois, ça reste un peu frustrant… C’est bien beau de marquer l’esprit des juges, mais encore faut-il que cela se répercute sur les scores et les classements.

Comment l’expliquez-vous ?

Le contexte européen est différent de l’environnement mondial. En Europe, le bloc de l’Est est très implanté. Cette culture est très présente dans le bassin. Sur la scène mondiale, c’est moins marqué. Il y a davantage de marge pour faire bouger les lignes et la hiérarchie, même si c’est parfois infime. Pour autant, j’ai pleinement conscience que le jugement en natation artistique est difficile. Cependant, je ne comprends pas pourquoi dans les critères il n’y a pas de différences…

Eve Planeix et Maureen Jenkins (Deepbluemedia).

Est-ce un point de vue partagé par d’autres entraîneurs ?

Complétement ! A mon avis, il faut éduquer les juges car ce ne sont pas des personnes qui voient de la synchro tous les jours. A un moment donné, je trouve que les commissions techniques devraient trouver le moyen d’aider leurs juges pour évaluer les ballets à leur juste valeur. Cela passe, pourquoi pas, par des séances vidéos, des rencontres ou des échanges…

Revenons au sportif : quel bilan dressez-vous des championnats d’Europe ?

Le bilan est extrêmement positif ! L’écart se resserre, les scores augmentent et les duos se positionnent. Pour les soli c’est plus difficile, ça va prendre du temps, mais on ne baisse pas les bras. Je vois bien que les filles sont totalement impliquées. L’équipe de France est en pleine ascension.

L'équipe libre (Deepbluemedia).

Avant le tournoi de qualification olympique au printemps 2020, l’équipe de France se rendra en Corée (juillet 2019) pour disputer les championnats du monde. Quelle est l’importance de cette échéance asiatique ?

Elle est primordiale ! Les Mondiaux qui précèdent les Jeux Olympiques sont toujours déterminants. Dans cette perspective, nous avons d’ores et déjà prévu un programme d’entraînement particulièrement dense. Il faudra marquer les esprits en Corée et continuer jusqu’aux qualifications. Nous avons un an et demi pour atteindre notre rêve !

Pour autant, Eve Planeix et Maureen Jenkins ainsi que d’autres nageuses tricolores ont insisté tout au long de la compétition sur la notion de plaisir.

C’est évidemment important ! A mon sens, il faut être capable de se « couper » en deux : une partie du cerveau doit être focus sur l’objectif et les moyens d’y arriver tandis que l’autre doit se focaliser sur le plaisir. C’est un équilibre très fragile, mais il n’y a que comme ça que nous y arriverons.

Recueilli à Glasgow par A. C.

 

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