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Pour le Directeur technique national Julien Issoulié il ne fait aucun doute que le titre mondial décroché par Léon Marchand en finale du 400 m 4 nages (4’04’’28) des Mondiaux de Budapest va inspirer les nageurs de l’équipe de France. A deux ans des Jeux de Paris, cette consécration internationale pourrait permettre au collectif national d’amorcer une nouvelle dynamique.

Que vous inspire la médaille d’or de Léon Marchand (samedi 18 juin) ?

Toute l’équipe de France espérait qu’il réalise une grosse performance, mais on ne pensait pas qu’il évoluerait à ce niveau de performance. A 4’06-4’07, il aurait été en concurrence avec d’autres nageurs, mais en regardant la course, on l’a senti très à l’aise en dos, puis après, sur le 100 m brasse, on a compris qu’il était bien parti pour le podium. En fait, pour tout vous dire, Denis Auguin (en charge de la relève au sein de la Direction technique nationale, ndlr), avec qui je suivais la finale dans les tribunes (de la Duna Arena de Budapest, où se disputent les championnats du monde de natation jusqu’au samedi 25 juin, ndlr), m’a dit après les vingt-cinq premiers mètres de brasse : « Il a gagné ! ».

A ce sujet, comment était l’ambiance en tribunes avec les Bleus ?

C’était un moment fort ! On était tous ensemble. C’est aussi pour ces moments partagés que nous travaillons toute l’année. Quelque part, c’est un peu là que tout prend sens (sourire)

Julien Issoulié et Denis Auguin lors du stage de Canet début juin (KMSP/Stéphane Kempinaire).

Comment était Léon avant sa finale ?

Il n’avait pas l’air si stressé que ça. Je l’ai trouvé serein, détendu, conscient de son potentiel. Je crois qu’il savait déjà que s’il était devant sur le 100 m de brasse, tout se passerait bien pour lui !

En l’espace d’un an - depuis qu’il a rejoint Bob Bowman à Phoenix -, il a fait des progrès incroyables, tant sur le plan physique que psychologique. Comment expliquez-vous cette progression ?

Il n’y a rien de soudain. Cela fait des années que nous savons que Léon dispose d’un potentiel hors du commun. Pour moi, nous sommes dans la suite logique de sa progression toulousaine. Il franchit les étapes les unes après les autres. N’oublions pas que l’année dernière, aux championnats de France de Chartres (15-20 juin 2021), il a signé un 4’09 en finale du 400 m 4 nages alors que le temps de qualification pour les Jeux de Tokyo était de 4’12. Déjà, à l’époque, cela nous avait paru très costaud. Samedi soir (18 juin), on s’est rendu compte qu’il venait de franchir un nouveau cap chronométrique en claquant un énorme 4’04’’28 ! Après, imaginez quelques secondes la confiance que peut vous donner un Bob Bowman en vous disant avant une finale mondiale : « Tu es dedans. Tu peux faire un truc ! ». En termes de motivation, je crois que cela vaut tous les discours du monde (sourire)

Bob Bowman et Léon Marchand (KMSP/Stéphane Kempinaire).

Puisque vous évoquez le sujet, qu’apporte la présence de Bob Bowman au sein du collectif national tricolore depuis le stage de préparation organisé début juin à Canet-en-Roussillon ?

Je crois que Bob nous apporte beaucoup d’enthousiasme et de fraîcheur. Quand il est là, au bord du bassin, il parle à tout le monde, il prend beaucoup de plaisir et cela se voit. A un moment, ça devient même communicatif. Et puis n’oublions pas que Bob Bowman est l’un des plus grands entraîneurs de la natation mondiale. Son expérience est colossale. Sur des petits détails, il n’hésite pas à intervenir, à partager son vécu, sans arrogance ni prétention, simplement pour transmettre et échanger. A ce niveau de performance, ça peut faire de grosses différences.

De quelle manière avez-vous réussi à l’intégrer au sein de l’équipe de France ?

En fait, cela fait naturellement. Jacco Verhaeren (Directeur des équipes de France) a suggéré que la présence de Bob tout au long du mois de juin pourrait être bénéfique. Ils ont pris le temps d’en parler au cours de leurs échanges réguliers sur le suivi de Léon Marchand. Bob a été séduit par l’idée. Je crois que la présence de Jacco l’a rassuré. Il savait où il allait mettre les pieds.

Bob Bowman et Jacco Verhaeren (KMSP/Stéphane Kempinaire).

Depuis la médaille d’or de Léon Marchand sur 400 m 4 nages (samedi 18 juin), beaucoup de comparaisons sont faites entre la pépite tricolore et Michael Phelps. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Il ne faut pas aller trop vite en besogne, mais il est vrai que Léon a un potentiel énorme ! On sait depuis un moment qu’il peut exploser sur la scène mondiale, mais encore faut-il que cela se concrétise. Dans le sport de haut niveau, rien n’est jamais écrit à l’avance. Là, ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est qu’il a surpris tout le monde, même Bob Bowman qui l’attendait davantage autour des 4’06 ou 4’07. Ce que Léon a réalisé en finale du 400 m 4 nages est tout simplement ahurissant !

A deux ans des Jeux de Paris, cela doit être rassurant, non ?

Disons que nous disposons désormais d’un leader expérimenté en la personne de Florent Manaudou et d’un leader pour nos jeunes avec Léon Marchand. Alors est-ce que c’est rassurant ? Je n’en sais rien ! Mais cela constitue incontestablement une vraie valeur ajoutée. Et puis, je constate depuis quelques jours que nos jeunes nageurs de l’équipe de France ont été impressionnés par la performance de Léon. Je crois que cela peut les motiver et leur donner envie d’élever leur niveau d’exigence.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Peut-on parler d’un déclic ?

Espérons-le ! Je retiens surtout que dans l’histoire de la natation français, Léon n’est que le huitième champion du monde. J’espère maintenant que nous en aurons d’autres dans les prochaines années. Léon a peut-être provoqué quelque chose. Appelez-ça un déclic ou autrement, peu m’importe, mais je crois sincèrement que cela va faire des émules.

Les attentes et la pression qui vont accompagner ce titre mondial ne risquent-elles pas de peser sur le jeune Léon (20 ans) ?

Vous savez, il s’entraîne dans une université américaine avec Bob Bowman. Je crois que c’est un environnement idéal pour se préserver de la pression. Connaissant Bob, je suis convaincu qu’il saura protéger Léon et la maintenir dans une démarche de performance. Bob a déjà connu ça avec Michael Phelps, dans des proportions que l’on n’imagine même pas. Alors non, je ne suis pas inquiet. Et puis Léon est conscient qu’il a encore beaucoup de choses à accomplir. Laissons-le grandir ! Ce garçon a tout en lui pour devenir un immense nageur, un de ceux dont on se souvient. Plus tard, quand le moment sera venu, il pourra profiter de sa notoriété, mais pour l’heure, il est seulement au début de son histoire.

A Budapest, Adrien Cadot

 

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