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L'entraîneur des Françaises, consciente et ravie des performances d'ensemble de la natation artistique tricolore sur les championnats du monde de Budapest (17-25 juin), se projette dès à présent sur le rendez-vous continental de Rome (11-21 août) pour valider ces progrès.

Laure, que retiens-tu de cette semaine hongroise ?

C'est une super semaine ! Je suis très contente parce que nous avons réussi à bien commencer la compétition : Oriane (Jaillardon) a ouvert avec le solo « tech » en proposant quelque chose de très propre, laissant une belle impression dans la technique. Elle a montré des choses très fortes et ça, c'est super ! Elle a ainsi tracé le chemin, faisant passer le message : « OK, j'ai travaillé, j'ai bien nagé, je me suis éclatée, maintenant faisons pareil en équipe ». Et l'équipe « tech » a effectivement rempli ses objectifs. Les filles ont bien nagé, montrant un ballet avec de l'énergie, répondant aux attentes d'une épreuve technique, ce qui n'est pas évident. Derrière, Eve fait son entrée, elle arrive à montrer une autre facette de la synchro. Ça, c'est pas mal : montrer différentes facettes des forces de la France. Être à la fois capable d'être forte techniquement, de transmettre des émotions avec la qualité de la nage, et de nager en proposant des choses originales, des choses que les autres ne font pas, un peu innovantes. Nous avons réussi ce challenge. Et on termine en beauté, en termes de performance, avec l'équipe libre. Les éliminatoires étaient vraiment très bien ; on a senti un peu plus de fatigue en finale. Mais grosse satisfaction en ce qui concerne les points ! Nous franchissons enfin la barre du 9,0. C'est bien. Ce sont, pour moi, de super championnats du monde.

Comptais-tu sur le talent d'Oriane Jaillardon pour ouvrir la voie ?

Il n'y a pas longtemps que je m'occupe d'elle en solo, mais je ne me suis jamais dit : « Ouh là là, ça va être dur », ou « aïe, on met une junior dans le monde des seniors ». Au contraire, je me suis dit : « Elle a quelque chose à faire, elle va très bien le faire ». Et c'est ce qui s'est produit. Sans lui mettre la pression : je ne comptais pas sur le fait qu'elle nage bien pour que ça ouvre la porte aux autres, mais il était important qu'elle le fasse pour elle, pour valider son travail au quotidien. Elle a fait face à un sacré défi : elle a changé son solo entre l'étape de World Series de Paris – où elle nage dans la catégorie senior – et ces championnats du monde. Elle a donc énormément évolué dans l'année, et c'est vraiment top. Elle a changé musique et chorégraphie pour coller davantage aux attentes de la catégorie.

Laure Obry (Photo : FFN/Philippe Pongenty).

Quelles raisons expliquent les bonnes performances françaises ?

Elles sont multiples. Les différentes expériences, ce qui se passe dans notre quotidien, permettent d'avancer. Il nous est arrivé pas mal de choses, mais comme dans toutes les équipes présentes ici. À Budapest, nous étions super bien. Il y avait une alchimie entre le staff médical, le staff technique et les nageuses. C'est très appréciable et, pour moi, générateur de performance. Nous avions les conditions pour performer.

Quels écueils avez-vous eu à franchir en amont ?

Après les Jeux, Laura (Tremble) a dû se faire opérer d'un genou, puis d'un second, ce qui a repoussé d'autant son retour. C'est compliqué. Il faut gérer. Manon (Disbeaux) a dû, elle aussi, subir une opération du genou en plein milieu de saison. Petit à petit, l'effectif se réduit. Daria et Nastia (Bayandina) sont sorties du collectif au moment de la super finale en Grèce. Il y a eu des maladies, des cas de Covid, les différentes blessures... Ne pas pouvoir nager chez nous, en mars à Paris, a été une énorme frustration parce que nous étions prêtes. Ça, c'était chaud. Nous avons traversé une période très, très difficile. À chaque fois, il faut trouver des solutions. Rebondir. Pour moi, si nous nous en sortons, c'est parce qu'il y a une énorme envie de nager en compétition et de valider l'entraînement quotidien – nous travaillons beaucoup avec la vidéo, mais ce sont des progrès d'entraînement, on ne voit pas les autres, ce n'est pas validé par une note. Nous savions que nous étions meilleures, je savais le chemin parcouru, le travail proposé – pas facile –, mais il y avait surtout cette grosse volonté de nager, et de bien nager. De montrer qu'on peut compter sur nous et que nous sommes fortes. Nous avons avancé, nous avons fait d'énormes progrès et ils sont validés.

(Photo : Deepbluemedia)

Comment arrive-t-on à la bonne alchimie évoquée plus haut ?

Le point départ, c'est le binôme avec Julie (Fabre). Nous sommes complémentaires, nous nous connaissons bien, nous savons exactement comment nous travaillons au quotidien... C'est très fluide. Ce binôme avance dans la même direction et c'est dans cette perspective qu'il a composé son staff. « OK, on veut ça, ça, ça... » Cette année, nous avons demandé des choses et nous avons bien fait. Nous sommes dans le vrai. Nous utilisons les compétences de chaque personne et, humainement, ça fonctionne. C'est important. Quinze jours de déplacement, c'est long, mais j'ai trouvé que c'est passé vite. Nous avons passé de super moments. Chaque jour, on se marrait bien. C'est hyper agréable. Je me suis sentie hyper sereine et disponible pour ma mission principale et, pour moi, c'est essentiel.

Et ça ruisselle vers les nageuses...

Forcément ! Tout roule dans l'équipe. Nous n'avons pas étoffé le staff en nombre – même si nous sommes partis avec un kiné supplémentaire –, mais nous l'avons organisé autrement.

L'opportunité de faire encore mieux, en août à Rome pour les championnats d'Europe, est-il devenu une obsession depuis cette semaine ?

(Elle coupe) Oui !

En visant une médaille ?

Maintenant que les progrès sont validés par des résultats, ça devient plus concret. Dans le débrief avec les filles, j'ai employé le terme « excitant ». Cette recherche de performance, c'est ça, le haut niveau ! C'est le podium au minimum ! Quand tu peux aller le chercher, il ne faut pas s'en priver. La motivation sera au rendez-vous, c'est certain. Mais il faut comprendre l'effort à fournir au quotidien pour aller chercher ça. Celles qui sont sur le podium font des efforts. Mais celles qui n'y sont pas aussi ! Qu'est-ce qui va faire la différence le jour J ? Beaucoup de travail. Plus ça paraît facile, plus c'est qu'on a travaillé.

(Photo : FFN/Philippe Pongenty)

Les championnats d'Europe sont dans un mois et demi. Peut-on corriger, améliorer des choses d'ici là ?

Oui ! Oui ! Oui ! Indéniablement, oui ! Il va y avoir du changement ! Nous allons prendre une semaine de break, revenir et travailler. Revoir des choses dans les chorégraphies. Poursuivre le travail, aussi, de ce qui a bien marché.

Les nageuses distinguent leurs adversaires directes, comme les Grecques, et celles dont elles entendent se rapprocher, à savoir l'Italie et l'Espagne. Observez-vous ces dernières de près ?

Les petites piqûres de rappel sont importantes. Il faut se servir de l'adversaire pour s'en inspirer, et qu'il nous tire vers le haut. C'est super : on va pouvoir le faire !

Ces pays sont-ils accessibles ?

Nous ne nagerons pas comme elles car ce n'est pas notre façon de faire. Pendant quelques années, nous disposions de filles qui n'avaient plus cette façon de nager, cette qualité de nage. Mais là, nous arrivons avec des filles qui ont une autre qualité de nage, qui permet d'accéder à un autre niveau, à quelque chose de plus fort.

(Photo : Deepbluemedia)

Comment en est-on arrivé là ?

Nous avons travaillé différemment. Le fait que Daria et Nastia aient été avec nous au quotidien était inspirant. Ce n'est pas la même façon de nager. Notre problématique, c'est d'arriver à ce que l'équipe nage comme les meilleures au monde.

Sont-ce des détails ou des choses fondamentales ?

C'est une culture dans la façon dont l'œil est habitué à voir tel mouvement exécuté de telle façon. Chaque pays a sa façon de faire. Nous arrivons, aujourd'hui, à proposer quelque chose de beaucoup plus léger dans la façon de nager. Et ça, c'est important. Cet aspect « facile » qui permet de passer un cap. Il faut garder notre identité française, en proposant une façon de nager qui corresponde davantage aux meilleures nations mondiales. Quand la Chine et l'Ukraine terminent leur ballet, même si elles ne nagent pas de la même manière, on a cette impression de facilité. C'est ce qui me guide dans mon quotidien.

A Budapest, David Lortholary

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