Aller au contenu principal

Ostéopathe en charge des équipes de France d’eau libre, Marion Bril évoque la manière dont le corps des nageurs doit être soigné et protégé dans cette courte période entre les Mondiaux de Budapest (17 juin – 3 juillet) et les Championnats d’Europe de Rome (du 11 au 21 août). Préparation du corps et récupération au cœur de cet entretien.

En quoi consiste concrètement votre travail entre Budapest et Rome ?

J’ai suivi les nageurs d’eau libre lors d’un stage de préparation à Vichy du 7 au 13 août et je suis avec eux à Rome toute la semaine. Mon objectif ? Que le corps soit en condition optimale pour que l’enchaînement entre les deux compétitions se fasse de la meilleure des manières. Cette année est un peu particulière avec deux grandes compétitions resserrées dues au Covid. Avec les Mondiaux et les Championnats d’Europe la même année, il faut être attentif à bien récupérer car les charges physiologiques et mentales sont importantes.

Quels soins leur prodiguez-vous ?

On utilise toutes les techniques de l’ostéopathie : myofaciales (faciales entre les muscles pour que tout glisse correctement), et viscérales (respiration, diaphragme, ventre…). Le but est de s’assurer que le corps soit équilibré et que la machine fonctionne parfaitement. Plus spécifiquement, le nageur a tendance à souffrir de ses épaules et des hanches. Pour assurer une meilleure récupération à propos des épaules, on travaille sur du recentrage avec Fabien Horth, le kiné des équipes de France d’eau libre. Sachant que chaque corps est particulier, au niveau des hanches, cela dépend du nageur, de ses antécédents, et de ses spécificités. Cela passe la plupart du temps par le fait de rééquilibrer le bassin, et détendre le psoas.

Pour l’eau libre, il y a eu le 25KM de Budapest puis une étape de Coupe du Monde de 10KM à Paris le week-end suivant, et encore un 25 à Rome, comment faire pour que les nageurs restent compétitif dans une séquence aussi dense ?

L’idée est de détendre le corps, stressé par toutes ces compétitions. Et l’objectif est de jouer sur le tonus vagal, sorte de mécanisme qui permet au corps de se régénérer. Il a été dans un état d’excitation assez élevé, et mon travail consiste à aider vers un retour au calme pour pouvoir de nouveau être au top lors de la compétition suivante. Grâce à Robin Pla (référent scientifique de la FFN) qui me transmet les données cardiaques des nageurs, cela me permet de cibler et individualiser encore plus les soins. Et pour la natation course, c’est à peu près le même type de suivi.

Marion Bril avec Aurélie Muller lors des championnats du monde de Budapest (FFN)

Sur quoi insistez-vous auprès de l’athlète pour éviter les blessures ?

Sur les basiques : bien dormir (ne pas traîner devant les écrans - la qualité du sommeil plus importante que la quantité), bien s’hydrater et ne pas attendre d’avoir soif, surtout dans les conditions chaudes de Budapest et de Rome. Après, ce sont des pros, et ils savent ce dont ils ont besoin.

Il y a différentes périodes dans la saison du nageur : de gros volumes d’entraînement puis l’affûtage à l’approche d’une grande compétition, puis la compétition en elle-même, et enfin la coupure : quels sont les soins en fonction des périodes ?

Moi je les vois uniquement lors des regroupements de l’équipe de France. A l’année, ils sont suivis par le staff médical de leur club, en relation avec le staff des équipes de France pour assurer la continuité des soins. Autour de la période où je m’en occupe (stage de préparation et grandes compétitions), mon but est d’assurer le bon fonctionnement du corps, en individualisant grâce aux préférences motrices de chacun. Certains respirent en dissociant les épaules, d’autres en un bloc, et l’idée est d’assurer ces points pivots afin d’éviter les compensations et donc les blessures.

Et selon les périodes ?

Avant la compétition, on est plus dans le réglage, le petit détail, au millimètre. Après leur course, on axe d’abord sur de la récupération active en nageant 20 minutes, puis à base de bains froids avant des massages, afin de ramener le corps dans un temps calme et conforter la mobilité globale du corps pour pouvoir enchaîner. Vous savez, pendant la compétition, tout est censé rouler, donc on les voit plus en amont.

Marion Bril (deuxième en partant de la droite en bas à côté de Damien Cattin-Vidal) était avec les Bleus lors des Mondiaux de Gwangju en 2019 (FFN)

Il y a la fatigue physique et aussi l’usure mentale… L’ostéopathe joue-t-il également le rôle de psy ?

Les soins de façon générale, se déroulent en salle où on est à plusieurs, nageurs et staff médical. Avant la compétition, il peut y avoir de la musique, un moment où ils peuvent se lâcher, on discute, on rigole, et ils relâchent la pression. Je peux soigner un nageur pendant qu’un autre est dans les mains du kiné. Après, oui bien sûr, on reste à l’écoute quand ils ont besoin d’un temps plus confidentiel, avec la possibilité d’être seul à seul. Un moment où ils peuvent se livrer ou juste fermer les yeux et déconnecter. Seuls avec eux-mêmes.

A l’approche des Championnats d’Europe de Rome, sur quoi allez-vous mettre l’accent pour permettre aux nageurs de retrouver leur pic de forme ? Certains ont-ils peur de ne pas retrouver leur niveau et leurs sensations de Budapest ?

De nouveaux nageurs qui n’étaient pas en Hongrie, sont à Rome et vont apporter un vent de fraicheur, et leur petite pierre dans une dynamique de groupe. En fait, c’est compliqué de se prononcer car c’est la première fois que l’on est confronté à cet enchaînement de deux compétitions. Mais ce sont des professionnels, des compétiteurs, et ils ont prouvé qu’ils étaient capables de se remobiliser au bon moment.

Quand l’un des nageurs que vous avez en soin va chercher une médaille (argent de Reymond sur le 25KM et pour Aurélie Muller en 5KM à Budapest), à combien estimez-vous votre contribution ?

(Rires…) C’est l’athlète qui est dans l’eau et qui fait tout. Mais si on peut apporter le petit plus qui fera basculer du bon côté, on ne s’en privera pas, chaque membre du staff se donnant à fond pour les accompagner dans leur quête de succès. En fait, moi je suis surtout impressionnée par leurs charges d’entraînement qui sont incroyables, hors-normes… Personnellement, je n’ai jamais fait d’eau libre, même un 5 KM, et c’est dire à quel point je suis admiratrice de leurs performances.

Recueilli par Antoine GRYNBAUM

Partager la page