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Entraîneur de Léon Marchand pendant onze ans aux Dauphins du TOEC avant de le voir s’expatrier à Phoenix en septembre 2021, où il s’entraîne sous la houlette de Bob Bowman, Nicolas Castel demeure un observateur avisé du nouveau champion du monde du 400 m 4 nages. Il nous livre son analyse de l’exploit majuscule réalisé en ouverture des championnats du monde de Budapest (18-25 juin) par le polyvalent toulousain de 20 ans.

Comment avez-vous vécu la finale de Léon Marchand (samedi 18 juin) ?

Avec Bob (Bowman), nous avions décidé de nous mettre l’un à côté de l’autre pour vivre la course ensemble. On a vu qu’au premier 200 mètres, il était très bien dans sa nage. On a commencé à s’enflammer un peu, puis il a fait la différence sur la brasse avant de conclure en crawl (sourire)

Après avoir entraîné Léon pendant près de onze ans, que représente ce titre mondial décroché avec une aisance et une maîtrise déconcertante ?

C’était très excitant, mais il y avait quand même moins de pression parce que le gros du travail de préparation avait été réalisé avec Bob Bowman. Bien sûr, je suis toujours en contact avec Léon. Nous échangeons beaucoup et je me doutais qu’il aurait ses chances sur cette finale, mais j’ai vécu sa course sans trop de pression. Bon, je ne vous cache pas que le palpitant est quand même bien monté dans les tours (sourire)…

Bob Bowman, Léon Marchand et Nicolas Castel lors du stage de l'équipe de France à Canet-en-Roussillon début juin (KMSP/Stéphane Kempinaire).

On parle beaucoup de son chrono stratosphérique (4’04’’28), mais Bob Bowman rappelait après la finale que le plus important demeurait le titre de champion du monde. Partagez-vous son point de vue ?

Ce titre n’était pas une évidence parce que s’élever à ce niveau de performance, ce n’est jamais évident, mais on se doutait qu’il en avait les capacités. Et puis un titre, ça reste ! C’est gravé à jamais. Les chronos permettent d’accéder au podium et aux médailles.

Léon a été bluffant de maîtrise et de sérénité tout au long de la journée de samedi (18 juin, jour des séries et de la finale du 400 m 4 nages, ndlr). A quoi cela tient-il selon vous ?

Il a beaucoup travaillé la préparation mentale ces dernières années. Je le sens de plus en plus maître de ses émotions dans ce domaine. Aujourd’hui, il commence aussi à avoir de belles compétitions internationales au compteur (dont les Jeux de Tokyo disputé l’été dernier, où il a pris la sixième place du 400 m 4 nages, ndlr). Il a emmagasiné de l’expérience. J’ajouterais que c’est un compétiteur né. Léon aime le jeu. Je crois donc que le stress de la compétition le galvanise.

Léon Marchand (KMSP/Stéphane Kempinaire).

Qu’est-ce qui vous étonne le plus dans sa progression depuis qu’il a rejoint Bob Bowman aux Etats-Unis en septembre 2021 ?

Pas grand-chose en fait (sourire)… Pour moi, c’est une suite logique. Je savais qu’en partant là-bas, il allait gagner en puissance et s’endurcir mentalement. Les méthodes de musculation sont différentes, mais il a su s’adapter, comme à la nourriture d’ailleurs. Je trouve qu’il a été encore plus exigeant sur les parties techniques et les virages. Je pense aussi que l’environnement américain lui convient bien. Il s’entraîne dans un groupe de très haut niveau ce qui doit forcément le stimuler et l’inciter à donner le meilleur de lui-même. L’enjeu maintenant, cela va être d’apprendre à gérer le moment…

C’est-à-dire ?

Samedi soir (18 juin), le protocole et les sollicitations médiatiques ont fini tard. Il n’a pas nagé hier (dimanche 29 juin), mais il va falloir qu’il apprenne à gérer ce temps-là, à le réduire si nécessaire pour se préserver et ne pas perdre trop d’influx.

Comment Bob Bowman fonctionne-t-il sur ces aspects-là ?

Je crois qu’il n’anticipe pas trois mois à l’avance, mais j’ai remarqué qu’en arrivant à Budapest, par exemple, il disposait déjà d’un grand nombre d’éléments sur l’environnement des championnats du monde. La priorité, c’était incontestablement le 400 m 4 nages du premier jour, mais une fois la course achevée, il était déjà tourné sur la suite, à savoir le 200 m papillon et le 200 m 4 nages. Après, et c’est sans doute lié à sa culture américaine, il est très exigeant sur tous les détails hors course, tout ce qui précède ou fait suite à l’épreuve en elle-même. Pour autant, Bob reste « cool » et adaptable. Cela peut paraître quelque peu paradoxal, mais c’est sans doute ce qui fait sa force.

Nicolas Castel (KMSP/Stéphane Kempinaire).

Vous dîtes que vous échangez régulièrement avec Bob. Est-ce que cela vous sert dans votre pratique et, plus généralement, sentez-vous une émulation technique avec les autres coaches tricolores, notamment lors du stage de préparation organisé à Canet-en-Roussillon début juin ?

Bob est très simple et très abordable. Il partage son expérience très facilement. Ensuite, c’est à chaque entraîneur de se positionner vis-à-vis de lui. Mais oui, le stage à Canet s’est révélé très enrichissant !

Ce cercle vertueux technique et le titre mondial de Léon Marchand sur 400 m 4 nages peuvent-ils avoir un impact sur la natation française et jouer un rôle de « déclic » comme ce fut le cas avec Laure Manaudou en 2004 après son titre olympique sur 400 m nage libre à Athènes ?

Oui, cela va sans aucun doute créer une bonne émulation au sein de l’équipe de France. Je pense que Jacco (Verhaeren, Directeur des équipes de France) y est également pour beaucoup. L’ambiance au sein du collectif est bonne. On sent qu’une équipe est en train de se construire.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Léon Marchand a déclaré que son titre mondial prenait sa source dans le premier confinement de 2020. Partagez-vous son analyse ?

Cela a été une période délicate parce qu’après son podium aux championnats du monde junior, nous avons mal géré l’enchaînement en se projetant trop rapidement sur la suite. Sans doute étions nous un peu pressés de continuer à performer. Ce confinement est finalement bien tombé parce que ça lui a permis de bien travailler avec Thomas Sammut, son préparateur mental. Lorsque nous avons repris les entraînements, j’ai vu un Léon extrêmement déterminé à se réaliser. A partir de là, il est devenu incroyablement facile à entraîner. Ce ne sera jamais un leader dans un groupe, mais par l’exemple, par son travail et son investissement, il est incontestablement un moteur et une source d’inspiration !

A Budapest, Adrien Cadot

 

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