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Le 13 juin dernier, Tony Moggio a traversé le golfe de Saint-Tropez à la nage. Détail important, il a réalisé son exploit à la seule force des bras. Devenu tétraplégique lors d'un match de rugby, l'athlète de 34 ans a parcouru les 4 kilomètres en 3h05.

Près de dix jours après votre exploit, êtes-vous redescendu sur terre ?

Très franchement, je suis encore sur un petit nuage ! Je ne sais pas combien de messages j'ai reçu... Plusieurs centaines, c'est sûr ! Il y a des gens que je ne connais pas, que je n'ai jamais croisés, qui m'écrivent pour me féliciter. Vous vous rendez compte ? Encore ce matin, une dame m'a approché dans la rue pour me dire qu'elle avait trouvé ça « magnifique ». Quand j'entends ce genre de mots, ça me donne de l'émotion, ça veut dire que mon défi a plu et que j'ai réussi à ne pas le garder pour moi.

Le 13 juin, vous avez donc rallié à la nage le Port de Sainte-Maxime à celui de Saint-Tropez. Distance : 4 kilomètres. Chrono : 3h05. Avec une difficulté supplémentaire…

… c’est que je suis tétraplégique. C'est-à-dire que je suis paralysé des quatre membres. Je le suis depuis 2010 et une mêlée qui a mal tourné. J'étais rugbyman amateur à l'époque. Je jouais talonneur. J'ai clairement failli y passer. Mais dans mon malheur, j'ai eu de la chance, car j'ai survécu. Aujourd'hui, je peux bouger les bras, mais je n'ai aucune sensibilité. Je n'ai pas non plus de motricité au niveau des doigts, je n'ai pas de triceps et les biceps ne fonctionnent qu'à moitié. Donc quand je dis que mon défi a été réalisé à la seule force des bras, c'est presque un mensonge... Concrètement, c'est à la seule force des épaules que je l'ai fait. Rien d'autre ! Contrairement aux nageurs valides, mes abdos et mon bassin ne me sont d'aucune utilité. Florent Manaudou, qui est mon parrain dans cette aventure, m'a dit quelque chose touchant il n'y a pas longtemps : « Je ne sais pas si je pourrai le faire, moi ».

(Photo : Nathan Lefebvre & Pierre-Louis Duval)

De quel matériel disposiez-vous ?

D'une combinaison de plongée, de palmes de mains et d'un sofao, un flotteur qui permet de maintenir le corps à la surface. Pour le défi, on a légèrement modifié l'appui-tête et les flotteurs pour coller à mon ressenti et à ma position. Ah, et j'avais aussi une ombrelle pour me protéger du soleil… mais je l'ai rapidement perdue dans l'eau, donc j'ai fait sans.

Et l'eau ?

Elle était bonne. Moins sur la fin à cause des mouvements que provoquaient les scooters de mer qui voulaient m'accompagner jusqu'à l'arrivée. Mais on a eu de la chance parce que le lendemain...

Ça se serait passé autrement le vendredi 14 juin ?

Initialement, je devais tenter la traversée le vendredi, mais on a décidé en accord avec les autorités de l'avancer d'une journée. C'était mieux pour tout le monde. Le vent a soufflé jusqu'à 100 km/h ce jour-là. La capitainerie de Saint-Tropez m’a appelé pour m'annoncer qu'il y aurait des creux de 2 mètres !

(Photo : Nathan Lefebvre & Pierre-Louis Duval)

Vous avez préparé ce défi pendant un an et demi. A quoi ressemblait une semaine type ?

Au total, j'ai dû avaler plus de 300 heures de natation. Fractionné, nage rapide ou nage détente… J'ai eu de la chance d'obtenir des créneaux spéciaux dans plusieurs piscines de Toulouse et de son agglomération car avec mon matériel, j'avais tendance à occuper deux lignes d'eau. L'hiver, je me forçais à m'entraîner dans une eau à 13 degrés. Ce n'était pas des moments agréables, mais c'était pour m'habituer au froid.

Nager dans la Méditerranée, c'est différent. Aviez-vous fait des tests en mer ?

J'ai fait cinq fois la traversée du golfe de Saint-Tropez avant de me lancer. La première fois, j'ai mis 5h30. Et un mois avant de tenter la traversée pour de bon, j'étais descendu à 4h05, donc j'étais confiant. Ça s'est vu : j'ai mis une heure de moins au final. De toute façon, je ne serais pas sorti de l'eau avant d'avoir vu le port de Saint-Tropez ! Je voulais y arriver, je n'ai jamais douté.

Le fait de nager à la seule force des épaules a-t-il nécessité un entraînement particulier ?

Bien sûr ! En moyenne, je faisais entre une et deux heures par semaine de coaching boxe et autant de renforcement musculaire. On travaillait les épaules donc, mais aussi les deltoïdes, les trapèzes et un peu les biceps histoire de compenser. Aujourd'hui, je suis capable de tracter plus de 130 kilos, uniquement en me propulsant vers l'arrière ou vers l'avant.

(Photo : Benjamin David-Testaniére)

En réussissant ce défi, quel message souhaitez-vous faire passer ?

Pour faire un trait d'humour, je dirais qu'on peut devenir sportif de haut niveau même en ayant un handicap de haut niveau. Que l'impossible n'existe pas. Qu'on peut toucher le fond dans la vie, mais qu'on remonte, comme en natation. C'est un message d'espoir. Avant ce match de rugby en 2010, j'étais valide. Aujourd'hui, je suis dans un fauteuil, je le resterai probablement toute ma vie. Pour autant, il est possible de faire de belles choses. Je suis sincère en vous disant que je suis heureux dans mon fauteuil.

Et maintenant, c'est quoi la suite ?  

Déjà, il y a un livre qui paraîtra en fin d'année. Et puis, je vais m'autoriser un nouveau défi sportif. Avant de m'offrir la médaille d'argent de la Ville, le maire de Saint-Tropez m'a dit qu'il fallait faire l'aller-retour à la nage pour obtenir celle en or.

Que lui avez-vous répondu ?

Chiche !

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