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De 2013 à 2016, au Cercle des Nageurs Calédoniens de Nouméa, Alan Botrel a entraîné Maxime Grousset, alors en pleine adolescence. Depuis son départ à Amiens sous la houlette de Michel Chrétien, Alan Botrel, resté en Nouvelle-Calédonie, continue à le suivre « de très près ». A la veille des championnats du monde en petit bassin de Melbourne où il le voit «gagner l’or», cet ancien «modeste papillonneur» (32 ans) en parle avec affection et admiration.

Quels premiers souvenirs avez-vous de Maxime ?

La première fois que je l’ai vu, Maxime avait douze ans : c’était lors d’un stage en Nouvelle-Calédonie avec sa catégorie d’âge. Je ne l’entraînais pas, mais j’y participais. Je me souviens d’un gamin très nature, d’un petit niveau benjamin national, pas le meilleur de son âge et tête en l’air ! Et, à l’époque, il était plutôt brasseur.

Aujourd’hui, après son début de carrière phénoménal sur 100 m nage libre, quel premier souvenir l’emporte sur tous ?

A partir de septembre 2013, j’ai eu la charge de son groupe de cinq-six nageurs, un groupe très sympa. D’abord, j’ai le souvenir de sa 7ème place aux championnats de France minimes sur 50 mètres nage libre en 25’’15 (Mulhouse, 2015). Alors en pleine adolescence, il avait pris 20 centimètres d’un coup puis, a tout explosé sur son passage en un an. En 2016 à 18 ans, il claque un 48’’88 aux championnats en petit bassin à Amiens (6ème) sur 100 m nage libre. A 16 ans et demi, il était capable de faire 46’’10 sur 100 mètres avec palmes. C’était d’ailleurs lors d’un stage à Bond University à Brisbane où l’équipe de France en préparation pour Melbourne vient de terminer son stage.

Quelles sont ses forces ?

D’abord, comme tous les gamins en Nouvelle-Calédonie, Maxime faisait beaucoup de sport. Mais, surtout, il en faisait entre ses entraînements en natation : infatigable, jamais lassé, jamais rassasié ! Résultats ? En muscu, il soulevait le plomb avec force et vélocité. En détente sèche, par exemple, il pouvait atteindre 1m20 sans plier les genoux ! A 16-17 ans, il était capable de lever 100 kg au développé-couché. Très vite, son explosivité est devenue sa force, celle qui pourrait le porter très haut lors de ces championnats du monde en petit bassin. A la même époque, il s’est lui-même, spontanément, posé la question de savoir pourquoi il nageait. En trouvant ses réponses, il a donné un vrai sens à son investissement. Ainsi, il s’est insufflé une envie extraordinaire d’atteindre le très haut niveau et, surtout, par ricochets, il s’est donné les moyens de ses ambitions via l’unique clé payante, le travail !

Aujourd’hui, Alan Botrel est maître nageur à trois heures de route de Nouméa, bénévole au club «Les P’tits Picots». (Photo: Sophie Greuil)

Quelle est sa principale force en compétition ?

Derrière le plot, il est plus fort que tout le monde, intouchable. Quel que soit le niveau de la finale, quel que soit le nombre de concurrents directs, et, quel que soit la spécialité, il ne doute jamais. Qu’il soit en demi ou en finale, il ne doute jamais, s’applique toujours à se donner à 100% pour ne rien regretter et pour ne pas obtenir de reproches. Il est à fond, mais tout en contrôle. A chaque fois, derrière son plot de demi ou de finale, il sait qu’il va se passer quelque chose mais, il ne le redoute jamais. Il est déterminé. Ce regard déterminé, toujours affiché, je le lui connais depuis ses 15 ans.

Quels sont ses points forts ?

Une puissance innée, ses attaques de virages et le boulot abattu pour bosser ses parties non-nagées. A la faveur des derniers championnats en petit bassin à Chartres, nous avons vu le résultat (45’’61, record personnel). D’autant que je le vois encore accélérer aux Mondiaux de Melbourne. Aujourd’hui, il ne rate plus ses reprises de nage. Sa maturité et sa nage de plus en plus relâchée font le reste.

Baigner dans l’ambiance du CNC l’a-t-il beaucoup aidé ?

Complètement ! Au CNC, Maxime a bénéficié d’un entourage très favorable dans un club familial même si à l’époque il dépassait les 2000 licenciés (1000, aujourd’hui), des bébés nageurs aux Masters. Intégré dès le jardin aquatique, Max a trouvé cohésion, bonne humeur enveloppées dans une ambiance studieuse bénéficiant d’un cadre idyllique pour réussir. En 2016, lui et ses parents ont pris la bonne décision, même si ce n’est pas facile de quitter ses racines. En 2017, il gagne les championnats de France en petit bassin en 47’’60 sur 100 m nage libre. Réussir ainsi aussi vite tout en en encaissant le double de volume d’entraînement, loin de ses parents et de sa sœur, de ses racines, c’est une sacrée prouesse. Il a compris au bon moment que pour grandir, il devait faire le sacrifice de partir.

Maxime Grousset ne cesse d'impressionner son premier entraîneur Alan Botrel (KMSP/Stéphane Kempinaire)

Au final, on a presque la sensation qu’il était programmé.

Oui, presque. En fait, Maxime a écrit son histoire. Un jour, juste avant son départ pour Amiens, je lui avais demandé ses objectifs à court terme. Il m’a dit qu’en venant en métropole, il voulait atteindre une finale olympique en 2020 (Maxime Grousset a pris la 4ème place à Tokyo sur 100 m nage libre, ndlr). Et en 2024, il veut remporter une médaille olympique. Je suis persuadé qu’il y arrivera.

Qu’avez-vous ressenti quand il vous a écrit son histoire à venir ?

Quand il m’avait fait cette projection, sincèrement, il m’avait juste fait rêver ! Et, quand il l’a réalisée, il m’a encore fait rêver. À Melbourne il va encore nous régaler. Nager en petit bassin ne le dérange pas. Son explosivité a toujours fait merveille notamment dans ses relances. Aujourd’hui, grâce à une nage plus agressive, plus relâchée il semble -comme les très grands- nager facile. Sincèrement, je suis très fier de lui.

C’est un vrai pur sang finalement.

Oui, Maxime aime nager des 25 mètres, aime être à bloc sur les 50, toujours la tête dans le guidon et raffole des séries lactiques. Le goût du défi, il s’en nourrit. A Nouméa, nous n’avions pas de quoi tester les temps de réactions. Dès que nous partions ailleurs, il enchaînait départ sur départ comme un jeu. Aujourd’hui, je suis sûr qu’il voit arriver cet instant capital avec autant d’envie, d’excitation presque comme un jeu.

Propos recueillis à Nouméa, Sophie Greuil

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