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Blessé au moment où le confinement a été décrété en France, Benjamin Auffret a au moins profité de cette coupure pour remettre son corps d’aplomb. Mais l’incertitude qui pèse autour de la durée du confinement et d’une éventuelle date de reprise est, pour lui, le plus difficile à supporter.

J’imagine, que pour un sportif de haut niveau, le confinement est une épreuve du feu.

Oui, clairement. Mais le plus difficile reste l’incertitude qui plane autour de cette situation. 

L’incertitude de la suite de la saison ? 

Non, parce qu’il n’y a plus de saison. Tout a été arrêté dans tous les sports. Je pensais davantage à l’incertitude autour de la durée du confinement, de la pandémie. Ça ressemble à des vacances mais ça n’en est pas. On essaie de travailler du mieux qu’on peu mais à la maison, on est forcément limité. 

C’est à dire ? 

Si on pouvait faire du sport de haut niveau dans le salon, ça se saurait. Il y a un niveau maximal que tu peux atteindre chez toi. Le notre, en tant qu’athlète de haut niveau, est supérieur. Forcément avec ce confinement, il a baissé, mais il faut malgré tout essayer de continuer à s’entraîner du mieux possible pour qu’au moment de la reprise ce soit le moins difficile possible et qu’on puisse éviter au maximum les courbatures et les blessures. 

Quelle est ta routine d’entraînement en ce moment ?

On a reçu des programmes d’entraînement à faire chez nous. J’essaye de mettre en place ces routines. La première semaine ça allait parce qu’on venait d’entrer en confinement et on avait encore de la motivation, il y avait les Jeux. Mais le temps passe et on se rend compte que ça va durer, que les Jeux sont finalement reportés et que notre saison est quasi terminée. 

Photo: DeepBlueMedia

Toi qui a connu plusieurs périodes d’arrêt en raison de blessures, peux-tu comparer cette période de confinement à ces différents épisodes ? 

Quand tu es blessé, tu vas quand même à l’entraînement. C’est très rare une blessure qui t’empêche complètement de participer aux séances. Il y a toujours des choses à faire avec le préparateur physique, avec les kinés. Pour ce confinement, c’est différent. On est chez nous, beaucoup d’entre nous sommes rentrés chez nos parents. Ça ne ressemble pas à une période de blessure. Et puis encore une fois, lorsque tu es blessé, tu as bien souvent une date de reprise fixée. Ce qui n’est pas le cas actuellement. 

Il reste certes beaucoup d’incertitudes, mais celle qui planait sur les Jeux olympiques a été levée la semaine dernière. Que penses-tu de ce report et des dates choisies ? 

Le report était de toute façon devenu inévitable. Ça ne reste que du sport. L’humanité est aujourd’hui confronté à quelque chose de bien plus grand que le sport. Pour que les Jeux olympiques puissent rester un moment unique de partage et de communion, il ne faut pas qu’il y ait de doutes. Tous les pays sont en décalage face à cette pandémie. Tandis que certains en finissent, d’autres commencent à être touchés. 

Ils se tiendront du 23 juillet au 8 août 2021. Ne crains-tu pas une saison à rallonge si vous devez reprendre la saison durant l’été 2020 ? 

Pour l’instant, on ne s’est pas encore organisé à ce niveau-là. La décision du report des Jeux est récente. Mais qu’en sera-t-il des championnats du monde ? Des championnats d’Europe ? Est-ce qu’on aura des vacances cet été ? Quand aura lieu la prochaine compétition ? Pour le moment on est chez nous et on n’a pas les réponses à ces questions. Je ne suis pas certain que c’était la bonne solution de les décaler au mois d’octobre, car le virus ne s’attaque pas en même temps à tous les pays. Au printemps, je ne pense pas que les sportifs puissent être à un pic de forme aussi élevé qu’en été. Il faut que les Jeux restent axés sur la performance. 

Tu as connu quelques pépins physiques depuis le début de la saison. Es-tu désormais complètement rétabli ? 

Oui ça y est ! Maintenant qu’il n’y a plus rien, je suis opérationnel (rires). J’étais encore un peu blessé au début du confinement et ça m’aura au moins permis de remettre mon corps d’aplomb. 

Photo: FFN/Philippe Pongenty

Qu’est-ce qui va être le plus difficile à la reprise ? 

Tu auras beau faire ce que tu veux dans ton salon, il n’y a rien qui représentera trois tours à 10 mètres. Ce sont des sensations fines. Ce sera impossible de remonter tout de suite à 10 mètres pour faire un trois tours et demi. Il faut reprendre de zéro. On va reprendre l’entraînement après une coupure qui aura été plus longue que n’importe quelles grandes vacances ou n’importe quelle blessure. Il va falloir reprendre tous le physique pour préparer le corps à reprendre des impacts à 10 mètres. Faire des pompes dans son salon, ça n’est clairement pas suffisant. 

Malgré tout le travail effectué cette saison sera bénéfique pour la saison prochaine. 

Le travail ne sert jamais à rien, c’est juste qu’il ne va pas se montrer tout de suite. On avait des discussions par WhatsApp au début du confinement avec l’équipe de France de natation artistique. Elles disaient que l’annulation des JO n’était pas possible parce qu’elles avaient trop travaillé pour ça. Je leur disais que c’était très bien mais qu’elles ne seraient pas en mesure de montrer ce travail en juin après des semaines d’arrêt. Il faut juste l’accepter. Ce travail n’aura pas servi à rien, il se verra l’année prochaine. 

Matthieu Rosset est désormais également engagé sur 10 mètres. Comment as-tu vécu son retour ? 

C’est un truc qu’on a monté ensemble. J’ai insisté pour qu’on fasse du synchro et j’ai réussi à le convaincre. Finalement, il s’est rendu compte à l’entraînement qu’il était capable de performer en individuel. Ça va apporter de la bonne humeur et ça va être plus facile de vivre ça ensemble. Il y aura de l’émulation et les jours difficiles passeront peut-être un peu mieux. Si on peut se tirer la bourre, c’est tant mieux. Il sera sur le circuit des Grand Prix et moi sur celui des World Séries. Si on peut représenter du mieux possible la France un peu partout dans le monde ce serait top. Et si en plus on arrive à inventer du synchro, c’est génial. 

Inventer ? 

C’est un défi qu’on s’est lancé tous les deux parce qu’il y a ce côté talentueux chez Matthieu qui lui permet d’apprendre très vite et d’être fort. Et comme moi je suis installé à cette hauteur depuis un moment maintenant, on a voulu tenter cette aventure. Mais on n’a pas de piscines… On a pris la deuxième place en synchro au Grand Prix de Rostock pour se qualifier à la coupe du monde, alors qu’on a réalisé notre premier entraînement en synchro la veille de la compétition. Faire de la performance en synchrone à 10 mètres, c’est comme demander à un pilote de F1 de s’entraîner dans son jardin avec un kart et de battre Hamilton en grand prix. 

Comment avez-vous pensé à tenter ce défi fou ? 

On s’est toujours dit que ce serait sympa de plonger tous les deux de là-haut. Matthieu préparait le 27 mètres et il m’a dit que parmi les plongeons qu’il travaillait, il y en avait deux qui étaient des préparations à 10 mètres. Et il en connaissait un troisième de l’époque où il s’entraînait en plateforme. Je lui ai dit qu’il lui en manquait un seul pour qu’on fasse du synchro et qu’on pourrait au moins dire une fois dans notre vie qu’on a aligné la paire Rosset-Auffret. On sait que tous les deux sur un coup on peut faire un hold-up. C’est comme ça qu’est né ce défi. 

Recueilli par J. C.

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