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Mercredi prochain, le 15 août, le lac d’Annecy accueillera la troisième étape de l’EDF Aqua Challenge, circuit inauguré par la Fédération Française de Natation et son partenaire EDF au printemps afin de soutenir l’essor de l’eau libre auprès du grand public. Dans cette perspective, nous sommes partis à la rencontre de Claudette Bellevile, l’une des figures sportives emblématiques de la région qui n’en est pas à sa première tentative. A l’âge de 10 ans, déjà, elle réalise sa première traversée du lac d’Annecy suivie par son père en barque : nous sommes en 1947. Soixante-dix ans plus tard, cette éternelle licenciée aux Dauphins d’Annecy (81 ans et 8 mois) ne la raterait pour rien au monde. Le 15 août, bille et pince-nez en tête, « La Claude » prendra « mon kil’ » à bras le corps.

D’entrée, l’alerte cash Claudette Belleville se croque à pieds joints : « Merci de venir me voir mai, je vous fais perdre votre temps. Vous savez, moi je suis une vieille pomme, pas de la première jeunesse. » Entre deux longueurs de son quotidien 1 500 mètres (dimanche compris), cette brasseuse née s’excuse presque de devenir la vedette de la traditionnelle traversée du lac d’Annecy lancée tous les 15 août : « A l’âge de sept ans, j’ai appris à nager toute seule, dans le lac, dans ce qui était, à l’époque, considéré comme l’abreuvoir à vaches. Un an plus tard, mon père m’a inscrite aux Dauphins d’Annecy afin que je me perfectionne. Alors, nous nagions dans un bassin en bois. Comme j’avais un petit gabarit et que j’étais une petite nerveuse, j’ai tout de suite été bien en brasse. Ainsi, j’ai pu faire en relais quelques championnats de Dauphiné-Savoie. En 1947, j’ai fait la première traversée du lac suivie par mon père en barque. Après, je les ai toutes faites jusqu’en 1953. A cause de mes études, puis de ma profession d’agent d’ordonnancement, j’ai alors arrêté complètement la natation. A 60 berges (sic !), à la retraite, je me suis remise à nager sérieusement. Du coup, je me suis mis en tête de faire la traversée à chaque changement de dizaine pour mon âge. Et à partir de mes 80 berges (sic !), j’ai décidé d’y participer tous les ans. Enfin, tant que je peux… en espérant que ma Maman, décédée à 98 ans, m’a laissée ses bons gènes ».

(FFN/Sophie Greuil)

Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, notre licenciée aux Dauphins d’Annecy nage : « Avant, l’été venu, je nageais facilement dans le lac. Mais, maintenant, avec tout leur bastringue (bateaux, voiliers, pédalos, etc…), c’est devenu bien trop dangereux. Avant, il y avait juste le bateau à vapeur « Le France » et on se mettait à l’abri dès que nous l’entendions couiner. Maintenant, on peut se faire découper partout à tout moment ». Depuis toujours, Claudette Bellevile (82 ans en décembre prochain) se rembobine les coulées de son idole : « En plus de trois séances hebdomadaires de gymnastique d’entretien, je viens tous les jours à 9 heures pour enchaîner trois nages. Je m’échauffe tranquillement en dos. Le papillon comme je ne l’ai pas appris, parce qu’à mon époque, on ne l’apprenait pas, je ne sais pas le nager. Et l’apprendre maintenant, même si j’en ai envie, ne serait pas une très bonne idée ! Moi, je nage avec toujours le même modèle en tête, mon idole l’Américain Johnny Weissmuller. Alors là, celui-là… celui-là, je l’adorais… surtout quand il jouait « Tarzan ». Il a vraiment révolutionné la natation. »

(FFN/Sophie Greuil)

Dans sa chérie ligne d’eau n°4, l’Annécienne oublie le temps qui passe. Parfois, celle qui ne possède, ni téléphone, ni télévision, ni ordinateur aime le ralentir : « Avant de me remettre à nager, je faisais beaucoup de ski alpin et de moto. Hum, j’adorais la vitesse. Même un p’tit trauma crânien ne m’a pas arrêté. Vous auriez dû la voir ma belle Triumph 500 orange. J’adorais faire des courses de côte, des rallyes, mais voilà, chaque âge a ses plaisirs. Maintenant, dans l’eau, sans accessoires, sans se faire doubler par untel ou untel voire mieux, se faire doubler par des gens polis, c’est la liberté totale : je plane, je me pause, je me laisse vivre ! Oui, la natation est le seul sport où l’on peut évoluer sans penser à rien, sauf à ce que l’on est en train de faire. Certes, mes mouvements sont moins dynamiques. Mais je ne ressens pas le complexe de l’âge, je ne manque pas une séance et je ne suis jamais malade. Faire du sport remonte le moral et stoppe les maladies. »

(FFN/Sophie Greuil)

Forte de ses longueurs quotidiennes, Claudette Belleville saute, du ponton, à pieds joints dans le lac, pour boucler son « kil », son annuel kilomètre de ladite petite traversée : « Quelque part, ce « kil » est ma récompense de l’année ! Combien de temps je mets ? Je ne sais pas ? Mon classement ? Je ne sais pas non plus ? Mais, pour sûr, je ne suis pas une championne… Je le fais à mon rythme, je m’amuse, je vois du monde, je nage dans une eau très claire, en croisant des poissons, en regardant les montagnes et le nez dans les nuages : que du bonheur ! Et la ligne d’arrivée à peine franchie, je n’ai qu’une seule envie : recommencer…». L’an dernier, participante la plus âgée sur 1 500 participants répartis en cinq courses du 500 m au 10 kilomètres, celle que toute sa famille a baptisé « La Claude » avait terminé en 24 minutes et 18 secondes, à dix minutes du premier : « Le temps, on s’en fout ! Vous ne croyez pas ? L’important n’est pas là ! Vous ne croyez pas ? ». En plongeant dans ses yeux d’un bleu pur comme son ciel de Haute-Savoie, la réponse vous donne, de suite, un bon coup de jeune."

A Annecy, Sophie Greuil

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