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En ce mercredi 15 avril 2020, Yohann Ndoye Brouard aurait dû prendre le départ du 100 m dos des championnats de France de Chartres et y jouer son avenir olympique. Au lieu de ça, le dossiste tricolore est confiné à Annecy avec sa mère et sa soeur où il essaie tant bien que mal de conserver un certain niveau physique grâce aux séances de son préparateur physique et au matériel dont il dispose. Loin de se laisser abattre, l’élève de Michel Chrétien essaie de voir le côté positif de la situation pour revenir plus fort l’année prochaine et intégrer le Top 8 mondial aux Jeux olympiques de Tokyo. 

Avec ton groupe d’entraînement de l’INSEP, vous étiez partis en stage à Tenerife en début de saison avant de devoir rentrer en raison de cas de Covid-19. Peux-tu nous raconter cet épisode ? 

Au début du Covid-19 en France, nous sommes partis en stage à Tenerife et au moment du décollage, Michel nous a annoncé qu’un hôtel à côté du notre avait été mis en quarantaine en raison de cas de coronavirus. Au total 1000 personnes étaient bloqués dans cet hôtel qui était vraiment très proche du notre. On a décidé de rentrer. On a pris des billets d’avion et on a quand même dû rester trois jours. Le retour a été compliqué parce qu’on a fait une heure de car pour rejoindre l’aéroport, ensuite on a fait une escale à Barcelone où on a raté notre avion. On est parti à 4 heures de Tenerife et on est arrivé à 22 heures à l’INSEP. C’était horrible. 

Était-ce angoissant ? 

C’était un peu angoissant. C’est une ville assez animée avec des bars, des restaurants. Là, il n’y avait aucun bruit, c’était assez angoissant. Ça ressemblait un peu à un film d’horreur. Mais à la piscine, il y avait d’autres groupes de nageurs et ça allait. 

Où es-tu confiné actuellement ? 

Je suis rentré chez moi à Annecy. Je suis avec ma mère et ma soeur. Ma maman a pu ramener un peu de matériel du club des Dauphins d’Annecy. J’ai des poids, un TRX et une barre de traction. J’essaie de m’entraîner au mieux en suivant le programme de notre préparateur physique Cyril Vieu. Ça se passe plutôt bien et on à la chance d’être bien entouré. 

Est-ce malgré tout compliqué de trouver la motivation pour réaliser ces séances ? 

C’est vrai que c’est compliqué. Chez nous, on est souvent tenté de faire autre chose, mais j’essaie de suivre au mieux le programme parce que je sais que ça va être important pour la suite.

Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire 

Entre ta blessure la saison passée en février-mars et cet arrêt forcé cette année, les débuts de saison sont décidément compliqués pour toi. 

Je ne l’ai pas pris comme ça. Tant que les championnats de France étaient maintenus, je me disais que l’année dernière j’avais aussi été blessé et éloigné des bassins et que j’avais réussi à revenir. Je ne me suis pas affolé. Grâce à cette expérience de l’année dernière j’ai moins paniqué je pense. Beaucoup d’athlètes ont réagi à cette situation en disant que ce n’était pas la fin du monde et au final les compétitions ont été annulées et on est plutôt rassuré. 

Arrives-tu à ne pas être submergé par des pensées négatives ?

J’ai plutôt tendance à voir le côté positif des choses. Peut-être que cette année ça aurait été un peu court pour intégrer le Top 10 mondial aux Jeux olympiques. J’ai un an de plus pour travailler et l’année prochaine, je serai encore plus fort. J’aurais peut-être l’opportunité d’intégrer une finale olympique et le travail fournit servira toujours. 

As-tu échangé avec tes coéquipiers sur ce report des Jeux ? 

J’en ai parlé avec Maxime Grousset et on a eu la même réaction. On s’est dit qu’on serait encore plus forts l’année prochaine. C’est important de raisonner de façon positive. Il ne faut pas se laisser abattre. 

Avec Maxime, vous représentez la génération « Paris 2024 ». Avec les Jeux de Tokyo en 2021, l’olympiade de Paris 2024 sera plus courte. Est-ce problématique ? 

J’y ai pensé forcément. J’avais programmé des vacances en août en famille. Maxime devait rentrer en Nouvelle-Calédonie et finalement on va sans doute devoir se remettre au travail. À l’été 2021, après les JO, je pense que la coupure sera plus courte que celle qui était prévue en 2020 parce que les Jeux de Paris arriveront trois ans après seulement. Ce sera une olympiade plus courte mais je fais confiance à mon entraîneur pour gérer toute cette planification. 

Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire

Justement, restes-tu en contact avec Michel Chrétien ? 

Il m’a encore appelé hier. On fait des visios régulièrement avec notre préparateur physique. On a aussi un groupe WhatsApp sur lequel on échange régulièrement. Il nous dit de ne pas lâcher et nous réconforte. Cette semaine, on devait être à Chartres pour les championnats de France. Il nous a dit d’essayer de rêver, de visualiser la compétition et nos performances. Aujourd’hui, par exemple, c’était le jour du 100 m dos. 

Ça t’a fait quelque chose en te levant ce matin. 

Hier soir j’y ai pensé. Avant de m’endormir je me suis dit que le lendemain, j’aurais dû jouer une qualification pour les Jeux olympiques. Ça aurait été sympa de vivre ça, mais ce n’est que partie remise. 

Cette visualisation mentale peut-elle t’aider à aborder cette échéance avec davantage de sérénité l’année prochaine ? 

Avec le club des Dauphins d’Annecy, on fait régulièrement de l’imagerie mentale et cette semaine on a essayé de se visualiser aux championnats de France, de ressentir la pression de la compétition. Je pense que ça peut effectivement m’aider à aborder cette échéance plus sereinement l’année prochaine. Tout le travail effectué sera utile à un moment ou à un autre. 

On a désormais une date de déconfinement (le 11 mai prochain). Sais-tu déjà comment va se passer la reprise ? 

J’en ai parlé avec Michel hier et on est d’accord sur le fait qu’il parait compliqué que l’INSEP rouvre ses portes le lundi 11 mai à 7 heures du matin. Peut-être qu’on va devoir trouver des solutions individuellement. Le Maire d’Annecy va peut-être nous ouvrir des créneaux en groupe réduit, je ne sais pas. On va faire au cas par cas et la ministre des Sports, Roxana Maracineanu a annoncé ce matin qu’elle proposerait un plan de reprise pour les sportifs de haut niveau d’ici quinze jours. 

Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire

Le lac est trop froid ? 

J’ai essayé au tout début quand l’INSEP a fermé et que le confinement n’avait pas encore été décrété de courir jusqu’au lac. J’ai touché l’eau et elle était vraiment froide. J’ai regardé le thermomètre, il affichait 10 degrés. Impossible d’aller à l’eau avec une telle température. D’autant que je n’ai pas de combinaison. J’ai essayé d’en demander à mon partenaire équipementier, mais ça n’a pas pu se faire. Ça fait donc quatre semaines que je n’ai pas mis les pieds dans l’eau. 

Qu’est-ce qui va être le plus difficile à la reprise ? 

Il va être important de retrouver nos sensations dans l’eau, le toucher. Ce n’est pas évident non plus de retrouver un bon niveau de cardio. Je pense que pendant un ou deux mois ça va être compliqué, même si j’essaye de le travailler un peu de chez moi avec un rameur. 

Recueilli par J. C.

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