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À Eilat, le 31 mars prochain, Axel Reymond tentera de décrocher son ticket pour les Mondiaux de Gwangju sur le 10 km. Un passage obligatoire pour continuer de rêver à une qualification olympique à Tokyo en 2020. Après avoir manqué sa sélection pour Rio il y a quatre ans (Axel avait pris la douzième place des Mondiaux de Kazan, alors que les dix premiers étaient qualifiés pour les JO), le Francilien espère avoir emmagasiner suffisamment d’expérience pour franchir cet obstacle. 

Comment as-tu abordé cette saison si particulière ?

On a déjà modifié les vacances avec un petit programme de PPG pendant mes jours d’arrêt. Ça m’a fait du bien mentalement mais aussi physiquement. Ça m’a permis de ne pas trop perdre. Ensuite, on a repris tôt dans la saison pour être en forme en novembre, première étape pour la pré-qualification aux Mondiaux de Gwangju. En décembre, on a réattaqué avec un volume assez important et le stage en Turquie a également permis de bien se préparer pour l’étape de coupe du monde d’Eilat. 

Comment as-tu vécu le 10 km d’Abu Dhabi, pré-qualificatif pour les championnats du monde de Gwangju ?

J’ai ressenti un contrecoup physique et mental après Abu Dhabi. S’imaginer perdre quatre ans en une seule course alors que nous avions repris depuis un mois, c’était très difficile mentalement. J’ai perdu beaucoup d’influx à l’issue de ce 10 km et pendant une semaine ou deux je n’étais pas au mieux. Malgré tout, j’ai dû me replonger rapidement dans le travail parce qu’il y avait encore d’autres échéances importantes. La plus difficile reste celle d’Eilat et je me sens davantage prêt qu’au mois de novembre. 

Comment as-tu préparé l’étape de coupe du monde d’Eilat, qualificative pour les Mondiaux ?

Ce n’est pas sur les compétitions que je prépare cette étape de coupe du monde. C’est véritablement sur l’entraînement et les différentes périodes de charge. On essaie de voir ce qui marche le mieux avec des alternances de période intense et d’autres avec moins de volume. Depuis deux ou trois ans, cela nous réussit plutôt bien. On va essayer de reproduire cela pour la suite de la saison. 

D’autant que si à Abu Dhabi, la pression était importante, à Eilat, le couperet tombera définitivement.

Oui, mais c’est comme un championnat de France (il faut être dans les deux premiers français pour décrocher sa qualification, ndlr) et c’est donc moins perturbant et moins pesant. Et puis on est mieux préparé parce qu’on ne sort pas de vacances. 

Axel Reymond au départ du 25 km des Euro de Glasgow l'été dernier (Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire)

Quelle va être la tactique a adopté alors que vous vous connaissez tous très bien ? Comment prendre le dessus sur les autres tricolores ?

Je ne pense pas qu’un nageur prendra le dessus sur un autre. Ça va se jouer sur le mental et la fraîcheur. Je regarde un peu ce qu’ils réalisent au quotidien à l’entraînement, sans pour autant me focaliser vraiment dessus. Je travaille de mon côté, je suis sur une bonne lancée et je vais voir comment cela se passe. 

Penses-tu que la stratégie sera de laisser partir le groupe pour disputer cette course entre vous ?

Si on gagne la course, on est sûr d’être qualifié pour les Mondiaux ! Autant réfléchir comme ça. J’ai envie de gérer ma course de cette façon et de ne pas laisser filer le groupe pour disputer notre course de notre côté. Ça ne se passera pas comme ça aux championnats du monde où il faudra être dans les dix premiers pour décrocher son billet pour Tokyo. 

As-tu des flashbacks de l’année 2015 où tu avais manqué ta qualification olympique ?

Bien sûr. Ça reste un mauvais souvenir, mais je m’en sers maintenant comme une bonne expérience. Aujourd’hui, je peux le dire, je fais tout mieux qu’il y a quatre ans. Les entraînements, l’adaptation, la récupération, la nutrition. Les temps en bassin ne sont pas meilleurs, mais ça ne m’inquiète pas pour autant parce que je suis plus fort qu’il y a quatre ans en eau libre. C’est ce que je retiens. 

Quelle place occupe la médaille d’argent du 5 km des Euro de Glasgow dans ta progression ?

C’est une récompense du travail accompli pour améliorer ma vitesse en vue de la qualification olympique sur 10 km. Je voulais vraiment voir où j’en étais et si le travail mis en place avec Magali portait ses fruits. On a pu constater qu’on était dans la bonne direction grâce à cette médaille. On continue sur cette lancée. 

Axel Reymond est champion du monde en titre sur le 25 km (Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire)

N’as-tu pas eu de regrets de ne pas prendre part au 10 km des Euro de Glasgow ?

Non, parce que si j’avais pris le départ du 10, je n’aurais sans doute pas fait le 5. C’était l’un ou l’autre et je n’aurais peut-être pas eu de médaille au 10 km. Je suis content et fier de ce que j’ai réalisé sur le 5 km. 

Tu dis avoir progressé dans tous les domaines depuis quatre ans. Mais dans cette période, l’ensemble de l’eau libre française a franchi un nouveau palier de performance.

Oui, c’est fou. Le niveau est très élevé parce qu’il y avait déjà de très bons jeunes qui ont su prendre les places laissées vacantes par d’anciens nageurs d’eau libre étrangers. 

N’as-tu pas la sensation que la qualification olympique était plus abordable en 2016 que cette année ? 

Non. Certes, il y a de très bons nageurs français et une grande concurrence mais je n’ai pas la sensation que le niveau soit vraiment plus élevé qu’il y a quatre ans, si ce n’est que nous avons tous pris de l’expérience. 

Cette année tu seras davantage outsider qu’il y a quatre ans. Comment vis-tu cela ?

Je m’en fichais déjà du statut de favori que je pouvais avoir il y a quatre ans et je m’en fiche encore plus cette année. Ce n’est pas un souci. Je sais pourquoi j’ai raté ma qualification olympique en 2016. J’ai changé de technique de nage juste avant et ça ne m’a pas aidé. D’autant que mes conditions d’entraînement n’étaient pas optimales. On n’a clairement pas été aidé. Et j’étais déjà surpris de prendre la douzième place à Kazan. 

Axel Reymond a les JO de Tokyo dans le viseur. Pour décrocher sa qualification il devra terminer le 10 km de la coupe d'Europe d'Eilat dans les deux premiers français. (Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire)

Malgré ton travail en vitesse et ta volonté de te qualifier sur 10 km aux JO, on sent que tu n’as pas envie de lâcher le 25 km. 

Je ne lâcherai jamais le 25 km. C’est mon bébé, ma distance depuis que j’ai 16 ans. Je suis convaincu que ça sert de travail. 

As-tu la même attitude et les mêmes ressentis en chambre d’appel d’un 10 km et d’un 25 km ?

Depuis quelques années, oui. Mais auparavant, c’était plus difficile pour le 10 km. J’avais moins de certitudes, d’expérience, de maturité. J’avais plus peur des autres. Je n’ai jamais eu peur de personne sur un 25 km, parce que je sais que j’ai le temps de poser ma nage. En 2012, je participe à mes premiers championnats d’Europe en eau libre. J’étais vraiment stressé pour le 10 et ça ne s’est pas bien passé. Au contraire, j’étais hyper détendu pour le 25, je rigolais en chambre d’appel et je faisais des tours de villages en discutant avec tout le monde. Au final, je décroche la médaille de bronze. C’est fou, à 18 ans, mon premier 25 km à l’international, je monte sur le podium. 

Arrives-tu à ressentir désormais ces sensations au départ d’un 10 km ?

De plus en plus. Je me sens mieux avant la course. Dans l’eau également j’arrive davantage à me décontracter et à aborder les différentes parties de la course. 

Comment envisages-tu la suite de ta saison si tu n’es pas qualifié pour le 10 km des Mondiaux ?

Je ne suis pas passé en 2015 et si je ne passe pas cette année j’aurais encore le 25 km à disputer aux championnats du monde et j’ai un titre à conserver. J’ai d’autres plans et je n’ai pas envie de m’arrêter uniquement sur le 10. Même si je ne fais pas les Jeux je veux me fixer d’autres objectifs. Entre autre, celui de garder mon titre de champion du monde, mais aussi celui de participer à des étapes de coupe du monde marathon ou réaliser la traversée de la Manche. Mais je me poserais toutes ces questions au moment voulu. Pour l’instant, je suis focalisé sur la course d’Eilat ou je ferais tout pour décrocher ma qualification sur 10 km. 

Tu évoques tous ces projets, mais n’envisages-tu pas également de te projeter sur une nouvelle olympiade avec Paris 2024 en ligne de mire ? 

Bien sûr que si ! Ce sera juste une parenthèse pendant quelques années. Parce que si je manque la qualification olympique, j’aurais une année de vide en 2020. En 2021, ce serait un peu compliqué parce que ce serait la saison de la relance et ensuite il reste deux ans avant de jouer la qualification olympique. Et si en mars je sais que je ne suis pas qualifié, ça fait presque deux ans de vide. Donc ce serait le moment de me projeter sur d’autres défis. 

Recueilli à Fontainebleau par J. C. 

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