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Engagée aux Jeux paralympiques avec neuf nageurs, l’équipe de France revient avec cinq médailles grâce à trois d’entre eux. A quelques heures de rentrer en France après avoir vu 69 records du monde voler en éclats, l’entraîneur national Koen Van Landeghem dresse un bilan positif tout en mettant l’accent sur des points à ne surtout pas négliger ou oublier en vue de Paris 2024. Trois ans passent bien vite…

Grâce aux cinq médailles de jeunes talents comme Ugo Didier (19 ans) et Alex Portal (19 ans), compères argentés et bronzés dans les mêmes spécialités, grâce au dos bronzé de Florent Marais (21 ans), l’équipe de France a rempli son contrat aux Jeux paralympiques de Tokyo. Avec neuf nageurs dont trois femmes, les Bleus ont concrétisé toutes les attentes, même si l’or manque à l’appel, comme aux derniers Jeux de Rio en 2016 marqués, seulement, par une médaille d’argent et une de bronze. A la touche, les Bleus effleurent aussi deux médailles de bronze dans une piscine « inspirante au possible, à l’atmosphère feutrée, tamisée, un cocon pour performer », analyse l’entraîneur national très impressionné par « l’incroyable » Américaine Jessica Long et le Biélorusse « hors normes » Ihar Boki, grand rival d’Alex Portal (catégorie déficients visuels - S13). Sans cet or, la France termine à la 25ème place du classement général des médaillés et 13ème nation européenne en natation.

Florent Marais (Photo : Sophie Greuil).

A l’heure du bilan de cinq médailles assortis de cinq records de France, l’entraîneur national Koen Van Landeghem (58 ans) salue cette récolte en n’omettant pas de bien la resituer : « Nous y sommes allés avec une ambition réelle concrétisée avec cinq podiums. Mais cette compétition est surtout pleine d’enseignements. Tous les soirs, cinq à six records du monde tombaient. Et parfois même le matin avant d’exploser à nouveau le soir. En tout, 69 records du monde et 124 records paralympiques sont tombés : c’est dire le niveau, la marche qui nous sépare des meilleurs et donc du travail à accomplir dans les trois ans à venir ». Si la Chine a survolé les débats jusqu’à squatter des podiums entiers, l’Europe doit rester la valeur de référence de notre natation tricolore comme le confirme Koen Van Landeghem : « Chez nous, l’idée de n’être pas un nageur du matin doit disparaître. Des nations comme l’Italie, l’Ukraine ou encore l’Angleterre ont montré que ces idées et schémas avaient vécu. Elles ont montré qu’on pouvait être très fort le matin et le soir, en individuel et en relais. Des voisins comme les Pays-Bas, pas besoin de chercher loin, ont des résultats éloquents dans toutes les catégories ».

L’entraîneur national Koen Van Landeghem (Photo : Sophie Greuil).

Dans certaines classes de handicap (en dessous de 5), la France n’est pas représentée. Dans un avenir immédiat, elle doit mettre en place des passerelles et des détections dignes de ce nom pour identifier et persuader des jeunes dans les clubs de natation FFN, mais aussi, à l’UNSS, l’UGSEL, l’USEP, l’UFOLEP de plonger dans le sport, d’autant que l’apprentissage de la natation - Aisance Aquatique et JAN - est une des priorités fixées par le ministère des Sports. Au ratio de sa population dont 15% serait porteuse d’une pathologie-handicap, la France tarde à entamer une recherche systématique. Par exemple, aussi, à Tokyo, elle était représentée par un seul nageur issu de la Fédération du sport adapté, Nathan Maillet. Cette unique sélection prouve également le travail de fond hexagonal à mener pour l’étoffer puis, la muscler : « Depuis 2011, l’Italie a pris son bâton de pèlerin pour aller chercher des jeunes de tout type de handicap. Leurs résultats sont éloquents. Si l’Agence Nationale du Sport (ANS) nous consacre un budget, je le prends ce bâton », affirme l’entraîneur national, plus de dix ans directeur de la natation belge avant d’arriver à son poste actuel en France en novembre 2017. A quelques heures de quitter Tokyo, ce fan d’impros de jazz rebondit sur un proverbe japonais : « Si tu fais, tu pourras. Si tu ne fais pas, tu ne pourras pas. Ceux qui ne peuvent pas sont ceux qui n’essaient pas ».

Ugo Didier (Photo : Sophie Greuil).

Une nouvelle fois, la natation paralympique mondiale a fait un grand pas dans son histoire, un grand ménage de printemps dans ses tablettes. Définitivement, elle a montré aussi que fondre une médaille à plus de 40 ans était devenu très compliqué, que ses athlètes prennent le pas de la préparation des valides. A trois ans des prochains Jeux dans ses lignes d’eau parisiennes, cette natation tricolore doit accrocher le bon wagon : « Pour optimiser ces trois ans nous séparant du prochain rendez-vous paralympique, il faut se remettre à l’entrainement dès demain… et pas fêter nos médailles jusqu’à Noël. Il ne faut surtout pas perdre du temps sur des équipes ayant déjà bien pris de l’avance », avertit l’entraîneur national. D’entrée de retour au Trocadéro, la France devra tirer les leçons nippones et s’engager dans des voies incontournables comme les liste Koen Van Landeghem : « D’abord, il faut arrêter d’arriver chétifs et moins gagneurs devant un plot que les Anglais, Australiens et Américains. Quand ils arrivent, ils font sentir que le bassin et la ligne d’eau sont bien à eux. Nous, nous ne donnons pas encore cette impression. Après, il va falloir progresser ou travailler dans tous les domaines comme l’imagerie, la HRV, utiliser l’analyse subaquatique en s’appuyant aussi sur les travaux de recherches en cours du projet NEPTUNE, l’expertise de spécialistes sur la lactémie versus l’index glycémique. Nous devons aller au-delà de l’athlète-nageur pour aller vers athlète de haut niveau. » Idéalement, les Bleus pourraient partir travailler dans la piscine de 25 mètres de Louvain (Belgique) dont 12,5 mètres sont en aquarium ou celle de Pieter Van Den Hoogenband à Eindhoven (Pays-Bas) : « Meilleur moyen pour se voir nager ou pour voir et comprendre pourquoi un bras part trop à droite et une main trop à gauche ».

Laurent Chardard (Photo : Sophie Greuil).

A l’orée d’augmenter ou de ciseler une impérative préparation mentale très spécifique dans le monde handisport jusqu’à gommer un passé personnel et/ou sportif entravant encore une projection idéale vers la performance, d’affiner sa diététique en suivant le chemin d’anciens éclairés comme Claire Supiot et David Smétanine, l’entraîneur national veut veiller à limiter des interférences : « Certains certifient manquer de temps pour tel ou tel aspect de leur préparation. Mais s’ils limitaient leur temps sur les réseaux sociaux, les supports digitaux, ils en gagneraient ou ils ne disperseraient beaucoup moins ou dormiraient mieux tant ses lumières bleues sont nocives pour le sommeil. Nous devons aussi mieux maîtriser les médias avant, pendant et, sans doute, actuellement, après pour les médaillés. Dans ce domaine, nous ne sommes pas pertinents. Si cette gestion des médias, nouveaux outils de communication et réseaux sociaux en tous genres n’est pas bien préparée, anticipée, elle pourrait se retourner contre nous, plutôt que nous servir ».

Claire Supiot (Photo : Sophie Greuil).

En préparant les Jeux de Paris avec Claire Supiot, toujours aussi motivée, avec les prometteuses Agathe Pauli, jeune bachelière, en route pour les mains expertes de Régis Gautier à Antibes rompu à son handicap après avoir entraîné Elodie Lorandi et Annaëlle Roulet, cette équipe de France de jeunes bon enfant, bon esprit et grosse tête dans le bon sens du terme (!) recèle une facette de « Barjots » rappelant de belles heures du sport français. A Tokyo, l’équipe de France paralympique a gagné 54 médailles dont onze en or contre 28 médailles au total à Rio. Elle termine 14ème nation mondiale !

Sophie Greuil

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