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Retraité des bassins depuis les Jeux de Rio, Yannick Agnel, double champion olympique 2012 (200 m et 4x100 m nage libre), a pris son temps avant de renouer avec la natation. Une histoire de timing, d’envie et d’opportunité. Celle que lui a offerte France Télévisions à l’occasion des championnats du monde de Gwangju s’est révélée la bonne. Tout était réuni. Les planètes alignées. Ne reste désormais plus à Yannick qu’à se glisser dans son nouveau rôle, celui de commentateur sportif.

Yannick, comment en es-tu arrivé à commenter les championnats du monde de Gwangju ?

Après les Jeux de Rio en 2016, j’ai souhaité prendre du recul par rapport au monde de la natation et du sport en général. J’avais à cœur de revenir pour de bonnes raisons alors quand France Télévisions m’a contacté pour commenter les championnats du monde, j’ai trouvé ça cohérent. L’idée de découvrir mon sport autrement m’a plu et puis c’est aussi une opportunité de transmettre ma passion pour la natation en essayant d’être pédagogue et de faire découvrir la nouvelle vague de nageurs tricolores au public français.

Connaissant ton goût pour la langue française, c’est un rôle qui devrait te plaire.

Oui, totalement, mais j’ai beaucoup de choses à apprendre. Dimanche (21 juillet), c’était ma première à l’antenne. C’était assez impressionnant de se retrouver à côté de journalistes comme Alexandre Boyon et Richard Coffin qui sont des bibles de la natation et du sport en général. Cela fait des années qu’ils font ça alors je profite de leur immense expérience pour en apprendre le plus possible.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Est-ce qu’il y avait de l’appréhension pour cette première ?

Les premières minutes, j’ai bégayé un peu (il rit)… Et puis, il y a des moments où je ne savais pas où me placer, à quel moment intervenir. Ce n’est pas simple de trouver sa place. Alexandre a su me mettre à l’aise et petit à petit je prends mes marques.

En quoi consiste exactement ton rôle ?

Je suis là pour vulgariser les codes de la natation tout en distillant de petites informations auxquelles seul un nageur peut accéder (rire)… Plus sérieusement, l’exercice est extrêmement plaisant. Il faudrait être difficile pour ne pas aimer parler de sa passion. C’est un truc qui m’a toujours plu. Et puis, cette année, autant le dire, on a été plutôt gâté : record du monde, polémique, Français en finale…

Le Britannique Adam Peaty a battu son record du monde du 100 m brasse lors de la deuxième journée des championnats du monde de Gwangju en le portant à 56’’88. Il est le premier brasseur de l’histoire de la natation à franchir la barre des 57 secondes (KMSP/Stéphane Kempinaire).

Ça n’est pas « étrange » de suivre la compétition depuis les tribunes ?

Alors oui, c’est quand même un peu bizarre d’emprunter une porte différente de celle des nageurs…

Serais-tu nostalgique ?

Disons qu’il y a un petit pincement au cœur. Pour autant, je ne suis pas nostalgique. Je trouve ça marrant de vivre ma passion autrement et j’espère sincèrement que les téléspectateurs voient que je prends du plaisir et que je m’amuse… S’ils peuvent zapper de temps en temps du Tour de France pour se rafraîchir dans la piscine de Gwangju avant de replonger dans la canicule française, c’est encore mieux (rire)

De quelle manière as-tu préparé ces championnats du monde ?

Mon amie et agent Sophie Kamoun m’a donné des conseils. J’ai également bénéficié des tuyaux de Jacques Monclar, qui est extraordinaire dans ses analyses. J’ai essayé d’engranger un maximum de leur côté tout en consultant les rankings, en m’imprégnant des noms ou des histoires des uns et des autres. J’ai un petit carnet dans lequel je consigne ces précieuses informations. Mais une fois dans la compétition, je m’en sers de moins en moins. Les histoires se déroulent d’elles-mêmes. Ça devient un feuilleton quotidien.

Yannick Agnel, ici en compagnie de Florent Manaudou et Fabien Gilot, célèbre la victoire du 4x100 m nage libre aux Mondiaux de Barcelone en 2013 (KMSP/Stéphane Kempinaire).

Qu’en est-il de ton âme de compétiteur ? Parviens-tu à garder la distance nécessaire au moment de prendre l’antenne ?

Quand je commente, j’essaie d’être le plus professionnel possible, mais c’est vrai que lorsque je suis au bord du bassin, j’observe, je regarde comment s’y prennent les nageurs et parfois j’aurais presque envie de transmettre un peu de ce que j’ai appris dans ma carrière (rire)… Ça veut aussi dire que la flamme est toujours là !

Voilà plusieurs fois que tu parles de transmission et d’apprentissage. On sent que ces notions sont importantes pour toi. A tel point que tu viens de sortir un roman jeunesse en collaboration avec Pascal Ruter intitulé Yann qui s’inspire de ta vie (Hachette jeunesse).

Il s’agit d’une fiction, mais c’est vrai que nous avons tenté d’y intégrer des éléments de mon parcours. Evidemment, ça tourne autour de la natation, mais nous abordons aussi des thèmes qui devraient intéresser les adolescents. C’était une belle occasion de m’exprimer sur un autre support et de découvrir le métier de l’édition et de l’écriture.

On te sent curieux de tout.

Le pire, ça aurait été de m’enfermer dans un rôle qui ne me correspond pas. C’est la raison pour laquelle j’ai pris mon temps après les Jeux Olympiques de Rio. Je m’estime chanceux d’être à Gwangju pour suivre les performances de l’équipe de France.

A ce sujet, quel regard portes-tu sur le collectif national ?

On est clairement dans un renouveau ! Il y a quelques piliers qui ont de l’expérience sur la scène internationale et de nouveaux visages comme Maxime Grousset ou Tom Paco Pedroni qui amènent un vent de fraîcheur. Et puis, il y a des nageurs qui s’affirment. Je pense notamment à Marie Wattel qui a vécu sa première finale internationale sur 100 m papillon ou David Aubry sur 800 m nage libre. Alors oui, cette équipe est resserrée, mais elle a de la cohérence et elle a l’air de bien vivre ensemble. Je sais notamment que le stage final de préparation au Japon a enchanté le groupe. Ils ont eu un bel avant-goût du Japon. De ce côté-là, la Fédération a bien fait les choses. N’oublions pas non plus le retour de Florent Manaudou. Il va pouvoir aider le relais 4x100 m nage libre qui s’est d’ores et déjà qualifié pour les Jeux de Tokyo.

Florent Manaudou interrogé par le journaliste de France Télévisions Richard Coffin après la course des journalistes organisée en marge des Mondiaux de Budapest en 2017 (KMSP/Stéphane Kempinaire).

Il va quand même falloir batailler pour renouer avec le lustre d’antan.

Il y a quelques années, les planètes étaient alignées. Que ce soit au niveau du staff ou des nageurs, on a eu une génération de folie. Mais je suis convaincu que les athlètes qui composent l’équipe de France actuellement ont les moyens de voir les choses en grand.

A l’antenne, te sens-tu obligé de positiver ?

Non, absolument pas ! Quand les résultats ne sont pas au rendez-vous, sans accabler les athlètes ou leurs entraîneurs, il faut aussi le dire. C’est une des difficultés du commentaire sportif. Dans l’eau, ce sont mes amis, parfois d’anciens partenaires. Je ne suis pas là pour les casser, d’autant que je suis bien placé pour connaître leur quotidien. Ils s’entraînent six à sept heures par jour. Je connais les sacrifices qu’il faut faire pour nager aux championnats du monde.

Qu’en est-il, en revanche, des nageurs internationaux ? La polémique autour de Sun Yang a pris une nouvelle tournure le 21 juillet dernier quand l’Australien Mack Horton a refusé de monter sur le podium du 400 m nage libre pour garder ses distances avec l’idole chinoise. Quelle attitude adopter dans ce cas-là ?

C’est assez compliqué. L’image de Horton au pied d’un podium sur lequel Sun Yang exulte a fait le tour du monde. A mon avis, ce sera l’image des championnats du monde. A termes, elle devrait vraisemblablement dépasser le cadre de la natation pour témoigner de la lutte des athlètes pour un sport propre. D’autant qu’il est évident que tous les sportifs ne veulent pas voir leur discipline entachée par ce genre de controverses. Je pense néanmoins qu’il faut s’interdire de hurler avec la meute.

L'Australien Mack Horton prend ses distances avec le Chinois Sun Yang, champion du monde du 400 m nage libre (Andrea Staccioli / Deepbluemedia / Insidefoto).

Comment ça ?

On sait ce qui s’est passé avec Sun Yang par quelqu’un qui l’a rapporté à quelqu’un d’autre, en Chine, dans un pays où l’on ne parle pas la même langue, où la culture est complètement différente. Et puis, Sun Yang est sans doute le moins chinois des Chinois…

Et alors ?

Quand tu vois comment il réagit sur un podium, ce n’est pas habituel pour un Chinois. Il est très expressif. Il faut aussi dire que la FINA a déjà statué sur son cas, mais que le Tribunal Arbitral du Sport a repris l’affaire. Le problème, c’est qu’il rendra son jugement en septembre, bien après les championnats du monde de Gwangju. Il aurait été souhaitable que son cas soit jugé en amont de la compétition.

On te sent extrêmement prudent.

C’est un sujet délicat. Il y a beaucoup d’éléments à prendre en compte. La seule chose d’absolument certaine, c’est que l’on veut tous un sport propre.

Le geste de Mack Horton est tout de même symbolique.

Je trouve ça très courageux. C’est presque dommage qu’il ait terminé deuxième du 400 m nage libre. Si un médaillé d’or avait agi de la sorte, cela aurait eu un impact encore plus grand.

Recueilli à Gwangju par A. C.

 

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