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Nageur émérite, photographe et voyageur, Éric Huynh a profité d’un de ses nombreux périples à travers le monde pour nous présenter la natation birmane.

Après l’Inde et le Liban, j’ai eu l’opportunité de me rendre au Myanmar, ex-Birmanie, pour y rencontrer les acteurs de la natation d’un pays de 60 millions d’habitants qui tente de s’extirper d’une longue et pesante dictature militaire. La capitale, Naypyidaw, ville d’un million d’habitants, accueille depuis avril 2016 un nouveau dignitaire de renom, Aung San Suu Kyi, à la suite de la victoire de son parti contestataire aux élections générales, fin 2015. Le pays a envoyé deux nageurs « critère Coubertin » aux Jeux Olympiques de Rio, Myaat Thint chez les hommes (1’02’’54 sur 100 m papillon) et Ei Ei Thet chez les femmes (30’’25 sur 50 m nage libre). Haung Htike Min, le président de la Fédération Birmane de Natation, a accepté que l’on se rencontre afin de m'en révéler davantage sur la natation birmane. Il souhaitait également me demander mon point de vue. En effet, il est à la recherche d’un coach étranger pour encadrer ses meilleurs éléments...

La natation birmane, c'est 200 licenciés et six clubs ! Pas de quoi s’extasier à première vue. Pourtant, ce n’est pas le néant absolu. En effet, un groupe de 35 nageurs est constitué en « groupe Elite ». Basés à Rangoon, ils s’entraînent, logent et étudient à l’Institut du Sport, l’équivalent de notre INSEP, qui regroupe au total 700 sportifs dans 25 disciplines différentes. Il existe quatre instituts du sport répartis dans le pays, dont deux abritent un pôle natation, celui de Yangon et celui de Mandalay. Les nageurs s’entraînent deux fois par jour, cinq à six fois par semaine. Ils ont entre 13 et 18 ans et constituent l’élite de la natation birmane. Alors, dans ces conditions, et même si leur nombre est limité, pourquoi le pays ne parvient-il pas à sortir des nageurs de meilleur niveau ? Les obstacles sont nombreux, mais le premier et sans doute le plus important est, sans conteste, le faible nombre d'infrastructures. On ne recense, en effet, que deux bassins sportifs à Yangon, une ville de six millions d’habitants. On note, par ailleurs, que la principale ambition des nageurs se résume le plus souvent aux Sea Games, compétition internationale regroupant les champions de onze pays de la région (Malaisie, Indonésie, Thaïlande, Cambodge, Laos et Singapour).

La conférence se termine par quelques photographies de groupe et un pot de bienvenue, mais rapidement un autre problème surgit lorsqu’on m’accompagne au bord du bassin d’entraînement qui se trouve au pied de l’hôtel Olympique, abritant le siège de la Fédération birmane. En effet, les nageurs se séparent en deux groupes et ne s’adressent pas la parole. Un seul des deux groupes se mettra à l’eau, le groupe « dissident ». Ils sont entraînés par une gloire locale, Maung Maung Sein, qui a établi en 1987 le record national du 1 500 m nage libre en 17’’15. Un record qui tient encore et fêtera l’an prochain ses trente ans. Je me rapproche du groupe fédéral qui ne nagera pas ce soir-là mais avec qui je prends rendez-vous pour le lendemain matin à 7 heures.

On vient donc me chercher à mon hôtel à 6h30 pour m’emmener à l’Institut du Sport. C’est un complexe sportif et éducatif situé un peu à l’écart de la ville et qui abrite notamment une piscine couverte de 50 mètres. Avec ses 4 lignes seulement, le bassin a une silhouette étonnamment longiligne. Le bassin est abrité dans une sorte de hangar où l’air circule mal et où il fait chaud et humide. Aux murs, des photos illustrant les phases techniques primordiales : le coude haut et le bras plié du mouvement de crawl, les genoux resserrés et les pieds vers l’extérieur du ciseau de brasse. D’autres photographies montrent des grands champions, dont l’Américain Mickael Phelps nageant la brasse. Sur le bord du bassin, une demi-douzaine de nageurs s’échauffe alors qu’un groupe plus âgé en finit avec son entraînement. Je salue l’entraîneur, ancien détenteur de records nationaux en brasse, puis je vais à la rencontre du groupe qui sort de l’eau et part se détendre sous la douche. Les douches sont très rudimentaires, situées à l’extérieur du hangar. Certains jeunes parlent un anglais correct, d’autres restent muets. Ils me racontent qu’ils nagent 4 km par entraînement en privilégiant le travail technique aux séries lactiques. Ils expliquent également qu’ils préfèrent l’entraînement du matin parce que le soir l’eau de la piscine – non chauffée – est plus froide. Ils n’ont qu’une idée en tête : les Sea Games ! Tout le monde s’entraîne ensemble, les sprinters comme les fondeurs, les nageurs de spécialité comme les 4 nageurs. L’une des jeunes nageuses, la plus brillante, a remporté douze épreuves (relais compris) lors des derniers championnats de sa catégorie. Elle domine outrageusement la natation birmane. A l’entraînement, elle n’a personne avec qui se confronter. Pas évident pour progresser et aller plus loin…

L’ensemble des nageurs est ensuite rassemblé autour du bassin. Un moment privilégié pour échanger avec eux et l’entraîneur principal, une femme sèche et souriante qui doit avoir une petite soixantaine d’années. Les lunettes vissées sur le nez, elle ressemble à une institutrice. C’est elle qui parle le mieux anglais. Elle m’explique que je suis le premier étranger à venir au bord de ce bassin et à m’intéresser au sort des nageurs. Vient ensuite l’heure de retourner à l’hôtel, mais avant de quitter les nageurs birmans, je promets de diffuser l’annonce dont ils m’ont fait part. La fédération est confrontée à de nombreux problèmes (infrastructures, mentalités, moyens financier, mais surtout encadrement. La présence d’un coach étranger pourrait leur apporter de nouvelles techniques d’entraînement et une ouverture sur le monde, mais il ne réussira sans doute pas, seul, à résoudre tous les problèmes. Malgré tout, l’expérience a de quoi séduire : « La Fédération birmane de natation souhaite inviter un coach étranger à venir prendre en main ce groupe de 35 nageurs qui s’entraînent deux fois par jour à l’institut du sport. Compte tenu des moyens très limités de la fédération, aucun salaire ne pourra être versé. En revanche, le billet d’avion et les frais d’hébergement (à l’hôtel Olympique) et de nourriture seront intégralement pris en charge. L’objectif sportif annoncé est, dans un premier temps, d’améliorer les performances du pays aux Sea Games. Une connaissance correcte de l’anglais est nécessaire. »

Éric Huynh

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