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La nouvelle a de quoi surprendre. Alors qu’il semblait heureux dans sa nouvelle vie loin des bassins et qu’il répétait sans cesse qu’il n’y avait qu’1% de chance qu’il reprenne le fil de sa carrière, Florent Manaudou a annoncé son retour dans les colonnes du quotidien sportif L’Équipe le mardi 19 mars. Un véritable coup de tonnerre dans la natation française et sans doute bien au-delà car Florent reste et restera dans les annales comme l’un des sprinteurs les plus doués et les plus performants de sa génération. Son palmarès en témoigne. Mais alors pourquoi le champion olympique du 50 m nage libre a-t-il décidé de remettre le couvert ? Le goût de la compétition, un désir viscéral de confrontation et l’envie d’être de nouveau le meilleur du monde ont pris le dessus sur tout le reste. Le cadet de la fratrie Manaudou (qui a pris le temps de consulter sa sœur Laure et son frère Nicolas avant de replonger) entend désormais récupérer son titre l’année prochaine à Tokyo. Dans cette perspective alléchante, mais ô combien difficile (on ne compte plus les stars des bassins qui se sont cassées les dents sur une tentative de come-back), le Français s’entraînera sous la houlette de James Gibson (son premier entraîneur au CN Marseille, ndlr) en Turquie. 

13 août 2016. Bassin olympique de Rio de Janeiro. Il est presque minuit au Brésil (4 heures du matin en France) lorsque Florent Manaudou, champion olympique en titre du 50 m nage libre, touche le mur un centième derrière l’Américain Anthony Ervin. Une immense surprise pour certains. La chute d’un roi pour d’autres. Pour le principal intéressé, le scénario semblait, en revanche, écrit bien avant de se hisser sur le plot. « En touchant le mur, j’ai d’abord éprouvé un vrai soulagement », nous confiait le grand brun en novembre 2018 alors que nous l’avions sollicité pour qu’il nous parle de sa nouvelle vie entre Marseille et Paris. « L’attente autour de moi était devenue trop importante. L’année olympique a été compliquée à gérer et les choses ne se sont pas apaisées en arrivant au Brésil. Nous n’avons pas gagné le relais 4x100 m nage libre, Camille (Lacourt) a fini cinquième du 100 m dos et il y a eu la polémique avec le relais 4x200 m nage libre (Yannick Agnel se désistant au dernier moment, ndlr). J’ai rapidement senti qu’il fallait que je gagne pour atténuer toutes ces histoires. C’était assez pesant et c’est pour cette raison que j’étais soulagé à l’arrivée. »

Florent Manaudou a pris la deuxième place du 50 m nage libre à Rio en 2016 (KMSP/Stéphane Kempinaire)

Quatre mois plus tard, au moment d’annoncer son retour dans les bassins à nos confrères de L’Équipe, ses mots n’ont pas changé : « Quand j’étais derrière le plot à Rio je me disais : « Au bout, je suis en vacances ». Quand on est dans cet état d’esprit, il faut arrêter. Que ce soit deux mois ou trois ans ! »Celui qui a régné sur le 50 m nage libre de 2012 à 2016 est ainsi resté éloigné des bassins durant trente mois. Un break salvateur pendant lequel il n’a pas vraiment eu le temps de s’ennuyer. Joueur de handball dans le seconde équipe du Pays d’Aix Université Club (PAUC), pour assouvir son rêve d’enfant, restaurateur à Marseille, où il a notamment appris à préparer des cocktails, comédien dans une série diffusée sur TF1 dans laquelle il a parfaitement « joué le mort grâce à (ses) bonnes capacités à rester en apnée », Florent a passé les trois dernières années de sa vie à se « laisser guider par le plaisir ». Pour le touche-à-tout qu’il a toujours été, ces expériences ont été bénéfiques aussi bien physiquement que mentalement. Mais son instinct de champion, de compétiteur hors du commun et sa soif de vaincre ont finalement refait surface.

Manaudou a passé presque trois ans avec la deuxième équipe du Pays d'Aix Université Club Handball (D. R.)

Si Florent n’a jamais caché que la compétition lui manquait lorsqu’il commentait les championnats d’Europe de Glasgow pour France Télévisions, il n’était pas encore prêt à faire les sacrifices nécessaires pour retrouver son meilleur niveau. « J’aimerais continuer à être fort dans ce monde-là, mais sans m’entraîner », nous confiait-il dans un immense sourire en novembre dernier, une semaine avant de replonger pour les Interclubs. Une parenthèse enchantée durant laquelle il s’est révélé étonnamment performant alors que de son propre aveu il ne s’était quasiment pas mis à l’eau. En tout et pour tout, une dizaine de fois depuis le 50 m des Jeux de Rio. Il claque malgré tout un chrono de 20’’62 lors du relais 10x50 m (en bassin de 25 m, ndlr). Un temps qui lui aurait permis d’intégrer la finale des championnats du monde en petit bassin qui se tiennent un mois plus tard en Chine. Le déclic est immédiat. « Je ne pensais pas nager si vite et je me suis dit : « Pourquoi ne pas recommencer à prendre du plaisir », raconte-t-il dans L’Equipe du 19 mars. « J’en ai parlé à ma sœur. C’est d’ailleurs une des premières personnes qui a été au courant. Ma famille me soutient. Mon frère, Nicolas, ne s’y attendait pas alors que Laure pensait que j’allais reprendre, mais peut-être un peu plus tard. »

Florent Manaudou dans ses oeuvres lors des championnats d'Europe de Londres en 2016 (KMSP/Stéphane Kempinaire)

L’idée fait son chemin et l’ancien pensionnaire du Cercle des Nageurs de Marseille contacte James Gibson, le coach britannique qui l’a entraîné aux côtés de Romain Barnier avant son sacre londonien. Le Britannique officie désormais au Gloria Sports Arena en Turquie, mais ça ne refroidit pas le tricolore. Loin de là. « James, c’est un mec vrai. Je ne pense pas qu’il me mente et il ne va pas me faire miroiter des belles choses. Il a confiance en moi et il est à fond dans le projet. Nous sommes tous les deux excités de nous engager dans ce challenge. »Et avec eux, l’ensemble des fans de natation et des membres de la Fédération Française de Natation. À commencer par le Directeur Technique National, Julien Issoulié : « C'est forcément une bonne surprise et une excellente nouvelle, mais il faut le laisser travailler. Pour l'instant, Florent doit retrouver sa routine de nageur de haut niveau. Ça va prendre un peu de temps, même si tout le monde sait qu'il a des qualités indiscutables. »

Florent Manaudou a pris part à la course des journalistes lors des championnats du monde de Budapest en 2017. L’occasion de revoir le champion olympique 2012 dans un bassin de natation et – surtout – au micro de Richard Coffin, journaliste à France Télévisions. (KMSP/Stéphane Kempinaire)

Et s’il retrouve rapidement ce qui a fait sa force pendant sa première carrière, Florent pourra également compter sur un nouvel atout dans son jeu déjà bien fourni pour préparer les Jeux Olympiques de Tokyo. Grâce au handball, le cadet de la fratrie Manaudou a, en effet, développé ses jambes. « Je pousse plus fort sur le plot et dans la coulée, je vais plus vite. C’est vraiment étrange. Je ne veux absolument pas perdre ça, même si je vais devoir modifier un peu mon corps en musclant de nouveau les pectoraux et les dorsaux. »Julien Issoulié est convaincu que le travail effectué avec le club d’Aix-en-Provence sera bénéfique au sprinteur tricolore. « Florent n’est pas resté à rien faire pendant trente mois. Il a joué au hand et a développé d’autres qualités qui pourront lui être utiles dans sa seconde carrière. » Une seconde carrière qu’il passera, la majorité du temps, en Turquie en compagnie de son entraîneur James Gibson. « J’étais dans le confort à Marseille et James m’a dit que j’avais besoin d’être dans l’inconfort pour travailler. Je pense qu’il a raison. Je vais passer trois semaines à Antalya toutes les cinq semaines. » Avec l’objectif de récupérer son titre sur 50 m nage libre à Tokyo. À l’image d’un autre revenant, Anthony Ervin, qui l’avait devancé d’un centième ce fameux soir du 13 août 2016.

Jonathan Cohen (avec A. C.)

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