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Chorégraphe mondialement connu et reconnu, Stéphan Miermont travaille depuis plusieurs années avec l’équipe de France de natation artistique. Cette année, celui qui collabore également avec le Cirque du Soleil, a monté le nouveau ballet libre que les nageuses tricolores présenteront au Tournoi de qualification olympique qui doit, si les conditions sanitaires le permettent, se tenir à Tokyo au mois de juin prochain.

Cette année est-elle particulière en termes d’investissement ?

Nous essayons de qualifier l’équipe de France aux Jeux olympiques, alors oui, l’investissement est total. Il importe de franchir un palier supplémentaire et de proposer quelque chose de différent. Nous tentons de développer de nouvelles idées et de concentrer notre travail sur la technique.

Quelle a été la réflexion au moment de bâtir un nouveau ballet libre ?

La réflexion de base a été de regarder ce que réalisaient nos concurrentes et ce qu’elles faisaient mieux que nous, mais également les points forts que l’on a par rapport à elles et que nous devons conserver. La qualification olympique passe par la réussite d’un savant mélange de tout ça.

Ce ballet est-il le plus difficile que vous ayez chorégraphié pour l’équipe de France ?

Je pense, en effet, que c’est un ballet très exigeant pour les nageuses. Mais elles sont bien meilleures qu’auparavant. Toutes les filles ont progressé. Nous évoluons à un très haut niveau.

De quelle manière échangez-vous avec leurs entraîneurs tricolores Laure Obry et Julie Fabre ?

Il faut réussir à chorégraphier et mettre en place des éléments intéressants, mais il est également primordial d’échanger avec les coaches pour recueillir leur ressenti et savoir si elles sentent les filles capables de réaliser cette chorégraphie. Le but n’est pas de leur demander l’impossible.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Comment cette chorégraphie a-t-elle été accueillie par les nageuses ?

Elles appréhendent un peu parce que c’est difficile et que ça demande des temps d’apnées qu’elles n’ont pas l’habitude de réaliser. En la travaillant progressivement, je pense que cela peut aboutir à une très belle performance.

Vous travaillez également avec d’autres nations. Cela vous permet-il d’avoir un regard sur ce qui se passe ailleurs et tenter d’importer ce qui marche bien en France ?

Nous regardons évidemment ce qui se fait ailleurs, notamment chez leurs concurrentes directes. C’est ce que j’ai fait en 2016 lorsque j’ai travaillé avec l’équipe d’Italie. Nous avons monté le ballet en fonction de ça tout en analysant les points forts et les points faibles de chacun. C’est finalement l’Italie qui avait décroché son ticket pour les Jeux de Rio. Cette année, nous avons mis en place sensiblement la même structure avec la France.

Lors de l’Open de France organisé début mars à la piscine Georges Vallerey, on a vu les filles particulièrement appliquées et investies, perfectionnistes même. Est-ce primordial en cette année olympique ?

Ces dernières années l’équipe de France a beaucoup changé. Les filles sont disciplinées et motivées. La cadence d’entraînement est intense, mais elles l’acceptent car l’enjeu est colossal. Il y a toujours l’esprit français, mais on peut les pousser davantage et elles acceptent plus de choses que par le passé. C’est ce qui fait que l’équipe progresse énormément.

Vous évoquez un « esprit français ». Vous qui vivez à Los Angeles, essayez-vous d’apporter cet esprit américain ?

Nous sommes Français, c’est quelque chose qu’il est difficile d’occulter. L’esprit américain est très positif, toujours dans les encouragements, mais en même temps, il y a énormément d’exigence parce qu’aux États-Unis on ne gagne pas la médaille d’argent, on perd la médaille d’or.

(FFN/Jonathan Cohen)

Vous avez monté de nombreux spectacles pour le Cirque du Soleil. Est-ce différent du travail de création pour un événement sportif ?

Lorsqu’on travaille avec des sportives de haut niveau, on monte une chorégraphie par rapport aux critères des juges. La difficulté se situe à ce niveau car nous avons moins de libertés dans la création des figures.

Lors du premier stage, l’été dernier, à Salon-de-Provence, aviez-vous déjà en tête l’ensemble des éléments chorégraphiques ?

On s’est d’abord mis d’accord sur le thème et ensuite nous avons fait un stage à Salon-de-Provence en essayant de trouver des idées. A partir de là, on assemble tout cela et tout doucement le ballet se précise.

N’est-ce pas risqué de créer un nouveau ballet l’année des Jeux ?

C’est un choix stratégique. Les filles ont conservé une chorégraphie jusqu’aux championnats du monde de Gwangju pour montrer qu’elles pouvaient s’améliorer techniquement sur le même ballet. Elles en ont fait la démonstration. Elles sont maintenant attendues sur une nouvelle chorégraphie.

Sur quels points êtes-vous le plus attentif dans cette phase de création ?

Je regarde un peu tout en fonction de leur force, de leur ligne de jambes, des formations, de leur puissance… Il faut créer cet amalgame pour qu’elles obtiennent le maximum de points sur chacun des éléments.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

L’équipe de France est un mélange de jeunesse et d’expérience. Pensez-vous que c’est un atout ?

C’est une équipe très différente et très forte grâce à ça. Il y a des filles qui travaillent avec moi depuis très longtemps et qui arrivent à savoir ce que je pense. Ça va très vite. Les petites nouvelles me regardent parfois avec des yeux interloqués sans comprendre ce que je demande. C’est là que les anciennes ont un rôle à jouer.

La communication est-elle importante ?

La discussion est permanente. J’ai besoin d’avoir des retours sur leurs ressentis. Un bon chorégraphe ne donne jamais le mouvement définitif. Il transmet l’idée, la gestuelle, le thème et le reste vient de l’athlète. En fonction de ce que ce dernier réalise, le chorégraphe pioche ce qui est intéressant et assemble le tout.

L’équipe de France s’est également entourée d’un staff conséquent. Dans une discipline ou chaque élément est pris en compte on imagine que cela peut s’avérer décisif.

Il est primordial de pouvoir s’appuyer sur des professionnels compétents dans tous les domaines. Il y a les acrobaties, la préparation physique, la natation, la technique… Tout le staff avance dans la même direction.

Recueilli par Jonathan Cohen

 

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