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Ce n’était pas encore l’affluence des grands jours (quatre-vingt-seize inscrits), mais à l’issue de la première édition de la SwimXperience organisée dans les eaux et sur les berges du Canal Saint-Martin le samedi 2 octobre, le potentiel de ce rendez-vous à la fois fun, environnemental et sportif ne fait aucun doute. Ne reste désormais plus qu’à séduire les Parisiens et autres passionnés de défis outdoors et à inscrire durablement cette course à obstacles dans le paysage sportif de la capitale.

« Qu’est-ce qui leur prend de nager dans le Canal ? », s’étonne Valentine, la cinquantaine, dont près de vingt années passées dans le 10e arrondissement de la capitale. « Je ne savais pas qu’on avait le droit », ajoute-t-elle en scrutant avec de grands yeux incrédules les engagés de la SwimXperience, pieds nus et en combinaison, franchir la passerelle Richerand (classée monument historique) au petit trot avant de se jeter avec plus ou moins d’élégance dans les eaux fraîches du Canal Saint-Martin (16°C) depuis le quai de Valmy. Il est vrai que d’ordinaire, les riverains voient davantage circuler des péniches touristiques sur les eaux verdâtres d’un canal pris d’assaut par les couples et les groupes d’amis au premier rayon de soleil.

(Photo : FFN/Philippe Pongenty)

Reste que depuis les confinements consécutifs à la crise sanitaire et l’explosion des pratiques outdoors, l’espace urbain est devenu un terrain de jeu privilégié pour les sportifs accomplis ou amateurs, les mordus de défis physiques ou les challengers du week-end. Rien d’étonnant donc qu’à l’instar de la Red Bull Neptune Steps organisée à Glasgow, l’expérience ait été calquée dans les espaces aquatiques de la Ville-Lumière. « Aujourd’hui, des citadins sont en quête de sensations fortes et insolites », livre Raphaël Rieumal, responsable des événements à la Fédération Française de Natation en charge de cette première édition parisienne. « Certains d’entre eux nagent ainsi dans des espaces interdits, comme c’est notamment le cas dans les souterrains parisiens ou dans la Seine. Les municipalités tendent de plus en plus à encadrer ces pratiques parce qu’elles mesurent bien l’intérêt qu’elles suscitent chez les jeunes. C’est d’ailleurs pour cette raison que la charte graphique et la stratégie de communication ont été orientées vers un public jeune et underground. »

(Photo : FFN/Philippe Pongenty)

Des jeunes et des moins jeunes, il y en avait, motivés, acharnés et déterminés à venir à bout des quatre obstacles disséminés au fil d’un parcours de 600 mètres de natation. D’abord, l’échelle, puis le franchissement de la passerelle Richerand, le mur d’escalade et enfin un sprint de deux cent mètres sur tapis avant un plongeon final pour atteindre l’arche d’arrivée. De quoi faire monter le cardio et tétaniser les bras et les jambes. « Je me suis engagé sur cette épreuve complétement par hasard », témoigne Sébastien, commercial parisien de 36 ans. « J’ai vu passer une pub sur Instagram et j’ai eu envie de relever ce challenge sportif. Je pratique plusieurs sports, mais je ne suis pas vraiment un nageur. L’idée, c’était de me trouver un objectif accessible qui ne soit pas uniquement axé sur la natation. S’il n’y avait eu qu’une compétition de natation, je ne me serais sans doute pas inscrit. »

(Photo : FFN/Philippe Pongenty)

« Nager dans le Canal Saint-Martin, en plein cœur de Paris, c’est le petit truc en plus de cette compétition », reprend Sébastien. « Honnêtement, je m’attendais à ce qu’il y ait davantage de participants. C’est un peu dommage par rapport à ce qu’ont mis en place les organisateurs, mais ce n’est que la première édition (…) Les obstacles ne m’ont pas posé trop de problèmes. Pour moi, le plus dur, ça a surtout été la température de l’eau (16°C). J’ai éprouvé quelques difficultés avec le premier obstacle (l’échelle) parce qu’on s’est retrouvé à plusieurs au moment de le négocier. Du coup, il a fallu attendre que le concurrent qui me précédait soit arrivé en haut pour que je m’élance à mon tour. La passerelle n’a pas été difficile, si ce n’est qu’en sortant de l’eau les muscles tétanisent un peu et qu’il faut gravir des escaliers, puis en redescendre d’autres avant de replonger dans le canal. Quant au sprint final sur à peu près deux cent mètres, ce n’était pas si compliqué à gérer, même en fin de parcours. »

(Photo : FFN/Philippe Pongenty)

Pour d’autres, comme Antoine Durand, responsable juridique à la Fédération Française de Natation, l’épreuve s’est révélée plus délicate que prévue. « Je suis nageur et j’aime évoluer en milieu naturel alors quand la fédération a annoncé l’organisation de cet événement dans le Canal Saint-Martin, j’ai trouvé ça fun », commence ce féru de triathlon. « Je m’attendais à une épreuve relativement proche de l’eau libre. Je me disais que les obstacles ne seraient pas si difficiles à franchir. En réalité, ils se sont révélés bien plus durs que prévu, notamment l’échelle et le mur d’escalade. D’ailleurs, je n’ai même pas réussi à passer l’échelle tellement mes bras étaient tétanisés par le froid et l’effort. Passer de la position horizontale du nageur à la verticale pour négocier un obstacle m’a rapidement mis en difficulté. Après, c’est la raison même d’une course de natation à obstacles. Et puis, nager dans le Canal Saint-Martin, un lieu prisé par les touristes, c’est quand même une sacrée expérience. »

(Photo : FFN/Philippe Pongenty)

Une expérience sportive, mais aussi humaine et presque citoyenne, oserons-nous, car les efforts individuels se sont rapidement accompagnés de gestes d’entraide et de soutiens collectifs. Une solidarité observée lors du franchissement des obstacles, les engagés s’employant à soutenir les concurrents en difficulté ou mis à mal par le froid et les ascensions répétées au fil des différents tours (préliminaires, demi-finales, finale). Impossible également de ne pas souligner la dimension environnementale de la SwimXperience, comme l’indique Pierre Rabadan, adjoint à la Maire de Paris en charge du sport, des Jeux olympiques et paralympiques : « La reconquête des espaces aquatiques parisiens passe par ce genre d’événement, à l’instar d’ailleurs des espaces de baignade inaugurés cet été dans le bassin de la Villette ou de l’EDF Aqua Challenge organisé également par la Fédération Française de Natation. Il me semble fondamental que les Parisiens prennent conscience de la valeur de l’eau. Il est possible de se baigner, mais il faut aussi le faire dans le respect des règles établies. »

(Photo : FFN/Philippe Pongenty)

Des règles qui doivent également permettre de tordre le cou à certaines suspicions. « Beaucoup de gens ont encore des doutes sur la qualité de l’eau, mais il faut savoir que des relevés journaliers sont réalisés avant chaque autorisation de baignade », indique l’élu de la capitale. « On ne va pas mettre des gens dans l’eau si la pollution est trop importante. » « Cette année, il s’agit d’une première édition. Ce n’est pas encore la foule des grands jours, mais l’idée, c’est aussi d’inciter les Parisiens à se mettre ou à se remettre au sport via des événements de ce genre », enchaîne Pierre Rabadan. « Cela rentre dans notre volonté de reconquérir l’espace public, comme on le fait d’ailleurs dans les rues de la capitale. Les enjeux humains et environnementaux sont de toute façon liés. Je dirais même que l’un ne va pas sans l’autre. Que les Parisiens se mettent au sport, c’est une chose, mais qu’ils le fassent en ayant conscience de la valeur de l’eau et de la nécessité de la préserver. D’ici quelques années, on le sait désormais, les températures vont monter. Les sites aquatiques sont voués à devenir au fil du temps des lieux de fraîcheur. Ils seront au cœur de notre quotidien dans un avenir proche alors protégeons-les ! »

(Photo : FFN/Philippe Pongenty)

Difficile enfin d’ignorer l’enjeu olympique qui se profile à l’horizon. Dans trois ans, la capitale française accueillera les Jeux, cent ans après l’édition de 1924. « Le but in fine de ce type d’organisation, c’est évidemment de faire la démonstration que la ville de Paris dispose de sites aquatiques susceptibles d’accueillir des événements, mais aussi de regagner une qualité de l’eau satisfaisante dans la Seine car il s’agit de l’un des points fondamentaux de l’héritage des Jeux de Paris », abonde Pierre Rabadan. « Nous, ce que nous voulons, c’est organiser les épreuves d’eau libre des Jeux de 2024 dans la Seine. Pour l’équipe municipale d’Anne Hidalgo, il n’y a pas d’alternatives. Alors, bien sûr, il faudra prévoir un plan B s’il y a des crues, une semaine de pluie ou une qualité de l’eau catastrophique (…) Nous espérons que la SwimXperience s’installera durablement dans le paysage sportif parisien. Le quartier du Canal Saint-Martin est en train de changer de physionomie. Les berges ont été piétonnisées, beaucoup de Parisiens pratiquent une activité sportive. Bien sûr, il y aura toujours de la navigation fluviale et on ne pourra pas se baigner dans le Canal comme dans une piscine, mais il y a des opportunités pour organiser des événements destinés au grand public. »

A Paris, Adrien Cadot

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