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Du 26 au 28 avril, Benjamin Auffret est engagé sur la troisième étape des FINA World Séries de plongeon qui se déroule à Montréal (Canada). Une nouvelle occasion de s’étalonner face à la concurrence internationale sur le 10 m et prendre des repères à trois mois des Mondiaux de Gwangju qui permettront de débloquer un quota olympique en cas de qualification en finale. Le plongeur tricolore revient sur sa préparation, ses ambitions et ses rêves de médaille olympique. 

Comment s’est passé ton début de saison ?

J’ai participé à deux étapes de World Séries et j’ai atteint la finale à chaque fois. Lors de la première je passe même à deux points de mon record personnel. C’est mon meilleur score depuis mon titre de champion d’Europe. Je suis satisfait de mon début de saison et le travail réalisé avec mon entraîneur (Hui Tong) porte ses fruits pour le moment. 

As-tu réussi à davantage t’exprimer que la saison passée ?

Je suis plus solide physiquement et cela engendre de la confiance, parce que je savais que mon corps ne me lâcherai pas (rires). C’était vraiment deux compétitions très agréables. J’ai pu m’exprimer davantage qu’aux Euro de Glasgow où j’avais été blessé une partie de la saison. 

As-tu réalisé un entraînement spécifique pour être plus solide physiquement ?

Je n’ai pas axé mon travail spécifiquement pour éviter les blessures parce que c’est un paramètre inhérent à notre pratique et au sport de haut niveau. À l’INSEP nous sommes bien préparés physiquement et avant Glasgow, j’ai juste manqué un peu de chance en me bloquant le dos. C’était la fin d’une saison assez longue parce que comme la piscine de Montreuil était fermée, nous étions régulièrement en stage et en compétition pour pouvoir bien travailler. De mars à août, nous n’étions jamais chez nous. Passer son temps dans des hôtels, des avions, c’est forcément plus fatiguant que lorsqu’on est à la maison avec tout à notre disposition. 

Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire

Tu n’as pas disputé les championnats de France cette année. Quelle était la raison de cette absence ?

J’ai contracté une maladie de l’estomac et j’ai dû me tenir éloigné des bassins pendant deux semaines. Quand on a ce genre de douleurs, secouer encore son corps avec des saltos et des rebonds, ce n’est pas la meilleure chose à faire. C’est pour cette raison que je n’ai pas pu m’aligner aux championnats de France. 

Ce problème de santé est-il derrière toi maintenant ?

J’ai consulté les médecins et j’ai pris un traitement durant un mois. Il a fallu un peu de temps. C’est encore une fois la faute à pas de chance. Pour le moment c’est derrière moi et je continue d’avancer, même si je n’ai toujours pas pu avoir une saison pleine depuis quelque temps maintenant. 

Est-ce quelque chose qui te manque ?

Forcément un petit peu. Ce n’est pas spécialement de déclarer forfait pour les championnats de France qui est embêtant, surtout à ce moment de la saison. Mais j’aurais préféré attaqué par cette compétition plutôt que par les World Séries où il faut être prêt tout de suite pour affronter les huit meilleurs mondiaux, alors que je n’avais participé à aucune compétition depuis les Euro de Glasgow en août. 

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Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire

Justement, il y a très peu de compétition l’hiver en plongeon. Est-ce une période bénéfique pour bien travailler à l’entraînement sans contrainte d’échéance ?

Ça dépend vraiment de chaque athlète, de son parcours et de son expérience dans la discipline. Pour un jeune, c’est vraiment agréable de pouvoir travailler sereinement pendant quelques mois sans ressentir le stress de la compétition. Ça laisse vraiment du temps. Je pense notamment aux plus jeunes qui viennent souvent de la gymnastique et qui ont davantage le temps de s’approprier les éléments techniques du plongeon. Pour moi, ce serait intéressant malgré tout de disputer des compétitions, même si l’objectif ne serait pas le même que lors des compétitions internationales. Ça permettrait de casser la routine de l’entraînement. 

Désormais, les compétitions s’enchaînent. L’entraînement sert-il davantage d’affûtage ?

J’ai une saison qui est articulée différemment des autres plongeurs du groupe, parce que je participe aux World Séries. Il y a beaucoup d’étapes et elles sont assez rapprochées. Je n’ai donc plus beaucoup de temps pour travailler et c’est en ça que le début de saison est important, parce que l’essentiel de mon travail à l’entraînement se déroule à ce moment-là.

Justement, en début de saison, quelle a été l’orientation choisie par ton entraîneur ?

Il a souhaité plus de volume. Nous avons augmenté la quantité de répétitions de plongeon à l’entraînement. Nous avons travaillé plus et surtout dans la fatigue. Dès le mois de janvier, il a allégé le programme avant le début des premières compétitions.

Photo: DeepBlueMedia

Cela te convient ?

C’était vraiment très dur mais pour le moment ça répond bien donc je suis plutôt confiant. J’espère que ça va continuer dans cette voie. Quoiqu’il en soit, il faudra faire un bilan en fin de saison pour voir si mon corps a tenu la route. 

Tu dispute les World Séries pour la quatrième année consécutive. Qu’est-ce que cela t’apporte ?

C’est déjà une grande fierté d’être installé parmi les huit meilleurs mondiaux du 10 m depuis quatre ans. Ça montre une certaine régularité au plus haut niveau. C’est aussi un environnement qui me booste, parce que les compétitions se tiennent dans de très belles piscines et d’affronter les meilleurs, ça tire forcément vers le haut. 

Abordes-tu ces échéances avec davantage de confiance et d’expérience ?

Je me sers surtout de ces compétitions comme un entraînement. Évidemment, l’objectif est de faire de mon mieux et de décrocher la médaille d’or, mais je vais davantage décortiquer mes performances en essayant de progresser et de garder le positif. L’objectif final, cette année, ce sont les Mondiaux de Gwangju cet été. Si je ne suis pas sur le podium des World Séries au mois de mars, mais que je m’approche de mon record, je sais que le travail est en train de payer. On peut continuer à travailler dans le même sens. Il y a énormément d’informations à retirer des World Séries. 

Photo: DeepBlueMedia

À l’instar des nageurs d’eau libre, vous pouvez débloquer un quota pour les Jeux Olympiques dès cette année. Quelles sont les différentes options ?

Il faut être champion d’Europe ou finaliste aux championnats du monde. Sachant que cette année, c’est assez particulier, parce que les Euro se tiennent après les Mondiaux. L’objectif numéro 1 est donc d’être finaliste aux Mondiaux de Gwangju. 

Cette année est donc déjà primordiale dans l’optique des JO de Tokyo.

Complétement et personnellement, je suis tourné vers Tokyo plus que jamais. C’est un véritable avantage de décrocher son quota dès cet été plutôt que d’attendre le Test Event d’avril 2020. La préparation est totalement différente. En décrochant le quota cet été, on peut travailler l’hiver prochain sereinement en programmant la montée en puissance pour les JO. Dans le cas contraire, il faudrait avoir deux pics de forme dans la saison, un au Test Event et un, en cas de qualification, aux JO. C’est vraiment plus compliqué. D’autant qu’il peut également y avoir des pépins en cours de saison. C’est ce qui m’étais arrivé en 2016. J’ai décroché mon quota à Kazan et heureusement, parce qu’au moment du Test Event en 2016, j’étais blessé et je n’ai pas pu y participer. 

Même si, on l’a compris, l’objectif à Gwangju sera d’être en finale, ton statut te permet de nourrir davantage d’espoir et d’ambition. 

C’est certain qu’une fois ma qualification en finale en poche, je ne vais pas relâcher la pression en me disant que j’ai obtenu ce que je voulais. Je vise une médaille en Corée et je vais tout faire pour y arriver. Mais il va falloir que je fasse le boulot pour entrer en finale. Rater une médaille mondiale, c’est embêtant, mais des Mondiaux, il y en a tous les deux ans. Par contre, rater sa qualification olympique, c’est bien plus embêtant. L’objectif fondamental c’est de décrocher ce quota avant d’envoyer la sauce en finale (rires). 

Photo: DeepBlueMedia

Aborder une finale dans ces conditions, avec un ticket olympique, permet-il d’être plus libéré ?

Tu entres en finale mondiale avec le cœur léger. Il n’y a plus que du bonus à aller chercher. Ce n’est pas la même chose que des Mondiaux à mi-olympiade. À Kazan, ce n’était pas pareil parce que je plongeais depuis un an et c’était vraiment une bonne surprise. À Gwangju, pour la première fois de ma carrière, je vais aborder des Mondiaux en me disant que si je fais mon travail correctement et que j’évolue à mon niveau, j’aurais mon quota. 

As-tu l’impression justement d’avoir un nouveau statut ? Est-ce que cela a changé quelque chose vis-à-vis de tes adversaires mais aussi de tes coéquipiers en équipe de France ?

Le fait de s’installer parmi l’élite de la discipline et de se sentir de plus en plus à sa place parmi les meilleurs aide à avancer et à progresser. Les juges me voient régulièrement et ça aussi c’est bénéfique. J’arrive sur les Mondiaux de Gwangju en tant que Top 8, sachant qu’il y a douze places en finale. Ça compte dans l’esprit des juges. Comme à Glasgow lorsque j’arrive en étant champion d’Europe en titre. Même si j’ai été blessé une partie de la saison et que je suis moins fort, les juges savent que je peux jouer la gagne. C’est pour cette raison que je dis que le quota pour les Jeux ne dépend que de moi et que si je fais le job, il n’y aura pas de problème. En quatre années de World Séries, il n’y a qu’une seule fois où je n’ai pas réussi à atteindre la finale. Je suis donc dans le Top 6 quasiment à chaque fois depuis quatre ans. 

Du coup, les Mondiaux de Gwangju ne représentent pas un aboutissement, mais plutôt une étape sur le chemin de Tokyo. Ce qui n’était pas le cas il y a quatre ans à Kazan. 

À Kazan, je rêvais des Jeux et lorsque je décroche mon quota, je n’en reviens pas et c’est effectivement un aboutissement. Cette fois, j’aborde les Mondiaux comme une étape obligatoire avant d’aller défendre mes chances et atteindre mon objectif de podium olympique à Tokyo. 

Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire

Le classement des Mondiaux peut-il malgré tout avoir un impact sur celui des Jeux ?

Non, il n’aura pas d’impact direct. Il est certain que la hiérarchie n’évolue pas du jour au lendemain, mais ni à Pékin, ni à Londres, ni à Rio, le champion du monde de l’année pré-olympique n’a été champion olympique. Sur les trois médaillés mondiaux de Kazan au 10 m, il n’y en a qu’un qui est sur le podium à Rio. Ça reste du plongeon avec le côté aléatoire de cette discipline. Le podium des JO sera établi lors du dernier plongeon de la finale et pas avant.

Tu repenses souvent à ta quatrième place à Rio ?

Je n’y pense pas si souvent que ça non plus. C’est vraiment une place horrible. De toute façon mon objectif est de faire mieux qu’à Rio. Et pour faire mieux, je n’ai pas le choix, il faut que je monte sur le podium. Si j’avais été cinquième ou sixième j’aurais davantage de latitude pour faire mieux. Là, ma seule solution est d’être sur le podium et au-delà de la troisième place, mes JO seront ratés. Ça laisse tout de suite moins de chance de réussir sa compétition (rires). Mon objectif est clairement de décrocher cette médaille olympique. 

Cette année, pour la première fois depuis longtemps, de nombreux jeunes ont intégré l’INSEP. Est-ce important de savoir qu’il y a une relève derrière ?

C’est super important parce que nous ne sommes pas éternels. En 2024, j’aurais 29 ans et en plongeon, ce n’est pas tout jeune. Et quoiqu’il en soit en 2028, je ne serais même plus vieux mais carrément en fauteuil (rires). Il faut qu’il y ait des jeunes pour prendre la suite. 

Recueilli par J. C. 

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