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Insubmersible, adjectif, Qui ne peut être submergé. Voilà bien un mot qui peut convenir parfaitement à décrire cette équipe de France de water-polo. Jeudi, alors que l’orage frappe le Marine Messe de Fukuoka (Japon), les Bleus ont aussi fait parler la poudre dans le bassin. Peu avant 17h, au terme d’un match totalement dingue, ils ont battu les Etats-Unis et se sont offerts une chance de rentrer dans le top cinq mondial à l’issue de ces Mondiaux. Récit d’un match qui dépasse les simples frontières du water-polo.

 

Dites-leur que c’est impossible, ils vous riront au nez. Après avoir frôlé l’exploit en quart de finale face à l’ogre espagnol (défaite 7-6), voilà une nouvelle performance XXL à mettre à l’actif des Bleus du water-polo. Jeudi 27 juillet, aux alentours de 16h40, alors que le chronomètre annonce dix secondes à jouer, que les Etats-Unis mènent d’une unité et ont le ballon en leur possession, la salle est pendue à cet instant. Les Bleus sont partout, sur tous les Etasuniens. Le marque au slip de bain est total. Mais il faut un exploit. Un de ceux qui font chavirer un après-midi classique en un instant de gloire éternelle. Soudain, alors que le gardien donne le ballon à sa pointe, descendu pour proposer une solution, Thomas Vernoux surgit, l’agrippe, lui chipe le ballon et décoche une « praline », une « mine ». Une frappe qui a résonné partout dans le Hall B du Marine Messe de Fukuoka. Après le bruit des filets, un instant de silence, si bref et à la fois si long, puis interrompu brusquement par les hourras des nombreux athlètes et staff de la délégation tricolore présents sur place. La France vient d’égaliser à quatre secondes du terme de ce match, alors qu’elle était menée de quatre unités à l’entame du dernier quart-temps. Irréel et pourtant si vrai, si intense.

Photo : Deep Blue Media

Vient le temps de choisir les tireurs. Sans leur entraîneur Florian Bruzzo, exclu à une minute du terme du match, les Bleus ont pris l’ascendant psychologique. La claque est immense pour les Américains qui ont mené leur barque à l’avant tout au long de la rencontre. Aussi, la France peut compter sur un atout de taille dans cet exercice si particulier des tirs aux buts : son gardien, Hugo Fontani. Pas manqué. Alors que Alexandre Bouet, Enzo Khasz, Mehdi Marzouki et Thomas Vernoux enchaînent les buts, la « muraille de Strasbourg » écœure l’Américain Max Irving en arrêtant son penalty, puis en le chambrant avec ce « trashtalk » si caractéristique des Etats-Unis.

Photo : Deep Blue Media

Vient le moment du dernier tir, celui du capitaine, Ugo Crousillat. Après avoir porté son équipe sur la compétition, il a le poids d’une victoire au bout de ses doigts. Il regarde l’arbitre, attend le coup de sifflet et envoie le ballon en pleine lucarne droite. Ils l’ont fait. Les Bleus du water-polo viennent de remporter leur match de classement en renversant les Etats-Unis. En zone mixte, les silences têtes baissées des Américains tranchent avec l’extrême véhémence de leur entraîneur, en furie et dénonçant tellement de choses que l’on se perd dans ses paroles. Pour Ugo Crousillat, tout sourire, « c’était fou ». Les peignoirs français défilent, jusqu’à ce qu’arrive le héros du match, Thomas Vernoux, qui s’est arrêté pour expliquer ce qui s’est passé sur cette fin de match rocambolesque.   

 

  • Peux-tu nous expliquer comment tu as vécu cette fin de match depuis le bassin ?

Pff… C’était une fin de match haute en couleurs, on était derrière tout le match et sur la fin on a vraiment commencé à jouer notre jeu. On commençait à leur poser de gros problèmes en attaque et à être aussi agressifs qu’eux. On voit qu’en termes de mentalité on commence à être au-dessus. En deuxième période, on avait du mal en attaque à mettre les buts comme il fallait, on ratait beaucoup et eux mettaient des buts assez faciles. On avait du mal à ce niveau-là, mais mentalement, on n’a rien lâché jusqu’à la fin. Ce n’est pas que moi à la fin. Je récupère la balle parce que tout le monde est au pressing, tout le monde est à 100%, personne n’a abandonné jusqu’à dix secondes de la fin. On voit vraiment qu’on est soudés. On a perdu comme ça contre les Espagnols, là on gagne sur le buzzer contre les USA, contre qui on a un peu un contentieux, parce que chaque match est accroché. Ils nous gagnent, on les gagne, il y a pas mal de brutalité à chaque match, ça se bagarre pas mal. On est vraiment content de les avoir battu, même si on aurait préféré avoir une victoire plus nette. Mais une victoire comme celle-là, on ne crache pas dessus.

 

  • Qu’est-ce qui s’est passé dans ta tête au moment où tu récupères cette balle ?

Eh bien ça va très vite. Je joue pour la contre-faute, car c’est une pointe qui est redescendue. Ce n’est pas un joueur qui défend très bien la balle en extérieur, donc je sais ce que j’ai à faire. Je cours pour la ligne de passe, il y a contre-faute et après, le seul truc que j’ai à faire, c’est tirer. Dans une cage vide, c’est entre guillemets un tir facile, mais avec la pression, ce n’est jamais facile de marquer ces buts-là. Ce n’était vraiment pas simple, mais tout le monde l’a fait, tout le monde est content. Maintenant, on va fêter ça ce soir comme il faut. Il reste une cinquième place à aller chercher contre les Italiens, contre qui il y a toujours des matchs accrochés et contre qui nous avons perdu en phase de poules. On n’avait pas joué notre jeu, mais là on est bien rentrés dans notre tournoi. Peut-être un peu trop tard, mais on va tout donner.

 

  • Est-ce que ça a été dur de se remobiliser après la défaite face aux Espagnols ?

Dur, oui et non. On sort du match où on mène tout le long et on se fait rattraper à la fin. Peu importe l’équipe que c’est d’ailleurs. Là, c’était les Espagnols, donc on était sous le choc à la fin parce qu’on a failli éliminer les champions du monde en quart de finale et aller chercher une médaille. C’est vraiment très frustrant, mais après, il faut voir le positif. C’était une des défaites les plus dures, mais pourquoi ? Parce qu’on était serrés. Si on s’était fait éclater largement, on n’aurait pas été aussi déçus. Là on l’a été parce qu’on a bien joué. C’est une bonne déception car on était déçus d’avoir bien joué.

 

A Fukuoka, Louis Delvinquière

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