Aller au contenu principal

Du vendredi 15 au dimanche 17 février, la ville de Cayenne accueillera trois jours durant le meeting de Guyane Festi'Nat qualificatif pour les Carifta Games qui se tiendront à la Barbade du 20 au 23 avril. L'occasion pour la rédaction de Natation Magazine de consacrer un numéro spécial à la natation guyanaise (téléchargeable gratuitement ici) et de rencontrer les huit nageurs emblématiques de la région (Mehdy Metella, Yonel Govindin, Aimable Steven, Jean-Marc Délices, Analia Pigree, Brennon Kyllian, Carl-Gustave Delor et Dorian Pedro-Leal) ainsi que le président de la ligue guyanaise Myrtho Mandé.

Cliquez sur la couverture pour consulter le numéro.

Petit bout de France sur le continent sud-américain, la Guyane doit surtout sa célébrité à sa forêt, son centre spatial et ses importantes ressources aurifères. A 8 000 kilomètres de la métropole, la natation guyanaise tente cependant de se faire une place au soleil grâce à ses propres pépites. Myrtho Mandé, président la Ligue de natation, a accepté de lever le voile sur le plus sud-américain des départements français.

Si, en particulier, Malia et Mehdy Metella ont permis de lui donner de la visibilité, on connaît en fait peu de choses sur la natation guyanaise. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Si des compétitions plus ou moins officielles étaient organisées en milieu naturel depuis de nombreuses années, la Ligue de natation de Guyane n’a vu le jour qu’en 1975 ! C’est à partir de cette date que, sous l’impulsion de plusieurs président dont Jean Cesto et Michel Néron, grands promoteurs de la natation sur notre territoire, de jeunes Guyanais vont aller se former au Creps en Guadeloupe. Patrick Césaire, le premier entraîneur de Malia Metella, les « frères Mandé » (mon cousin François et moi-même) et David Canu seront des précurseurs à la fin des années 80. Guy Chateney, Thierry Vérin, Joël Martinez, Hervé Viton ont pris ensuite le relais et contribué au développement de notre natation. Mais comment ne pas citer également les famille Othily, Vanegas, le père Canu, Monsieur Jules, Nicaise Duleme, Rémy Jantet, Hector Calumey, Rio Rey, Jean-Claude Ho A Sim et Justin Farnabe… Grâce à ces cadres, désireux de développer la natation, de nombreux clubs voient le jour : l’USML Pacoussines en 1981, le Cercle des Nageurs de Cayenne en 1984, le Megaquarius en 1991, les Marsouins de Matoury en 1993… Certains ont disparu, d’autres ont été créés et ils sont dix, cette saison, affiliés à la Fédération Française de Natation.

La natation est un sport populaire en Guyane ?

C’est le deuxième ou troisième sport derrière le foot. Il y a, cette saison, neuf clubs affiliés pour 2 000 licenciés. Ce nombre a été beaucoup plus important. Il avait presque atteint les 5 000 licenciés en 2016 quand le Comité, le Rectorat et la Direction régionale Jeunesse et Sports, en collaboration avec des partenaires locaux et avec le soutien de la fondation Princesse Charlotte de Monaco, avaient lancé l’opération « Ma Guyane nage ».

De quoi s’agissait-il ?

Ce dispositif, dont le Megaquarius a été l’initiateur, a vu le jour dans le cadre de l’opération fédérale « Nager grandeur nature ». Son but était de favoriser l’apprentissage de la natation chez les 3-15 ans, tout en soutenant la construction de bassins en milieu naturel ou en dur à travers tout le territoire. Faute d’infrastructures, la proportion des enfants ne sachant pas nager à la sortie de l’école primaire est, en effet, de 60% et la noyade, l’une des premières causes de mortalité accidentelle en Guyane. Les piscines hors sol et les structures gonflables (un domaine dans lequel nous avons été pionniers) qui ont été installées temporairement à travers tout le territoire - et en particulier dans les communes isolées - ont permis de toucher plus de 5000 enfants !

Myrtho Mandé lors d'une étape de l'opération Nagez Grandeur Nature organisée en Guyane (FFN).

C’est la démonstration du manque d’infrastructures dans le département ?

Il y a dix bassins sur le territoire, dont une partie est ouverte au public et une autre uniquement aux clubs et aux scolaires. Nous disposons en particulier d’une structure comprenant un bassin olympique de 10 couloirs et un bassin de 25 mètres. Si plusieurs autres bassins sont vieillissants, vétustes et pas aménagés pour les compétitions, quatre ont récemment vu le jour ou ont été rénovés. Le nombre total reste cependant insuffisant si l’on se réfère à l’importance de la croissance démographique en Guyane et à la jeunesse d’une population à laquelle il est nécessaire d’apprendre à nager.

Ça n’empêche pas la Guyane de fournir régulièrement des internationaux.

Nous disposons effectivement d’une natation de grande qualité. Malia et Mehdy Metella en sont les exemples les plus connus, mais il ne faut pas oublier Grégory Mallet qui a été formé au Megaquarius. Lors des championnats d’Europe 2018 de Glasgow, Yonel Govindin a également représenté la Guyane au sein de l’équipe de France. Huit nageurs locaux étaient, par ailleurs, engagés aux championnats de France en petit bassin de Montpellier en novembre 2018 (Analia Pigree, Steven Aimable, Kyllian Brennon, Jean-Marc Délices, Carl-Gustave Delor, Yonel Govindin, Mehdy Metella et Dorian Pedro-Leal, ndlr).

Mais les meilleurs nageurs guyanais quittent le territoire pour continuer leur progression en métropole.

Oui et c’est d’ailleurs pour ça que je demande depuis plusieurs années la possibilité pour nos nageurs de disposer une double licence : celle de leur club d’accueil en métropole et, grâce à une convention, celle de leur club formateur en Guyane. L’idée, ce serait de pouvoir valoriser le travail des entraîneurs locaux. Si je n’ai pas eu gain de cause à ce niveau, j’ai en revanche été à l’origine du reversement d’une partie du montant du transfert au club formateur.

Myrtho Mandé, alors chef de délégation de l’équipe de France d’eau libre, en compagnie d’Axel Reymond, fraîchement sacré sur 25 km lors des Euro de Berlin en 2014 (KMSP/Stéphane Kempinaire).

Mais il y a désormais en Guyane un Centre d’Accession et de Formation, ancien pôle espoir.

Oui, depuis septembre 2018, le CAF accueille dix nageurs. Si l’entraîneur, David Camus, ne travaille pas à temps plein, c’est la première fois que la natation guyanaise est dotée de pareille structure.

Comment voyez-vous l’avenir de la natation en Guyane ?

J’espère et je pense qu’il y aura un ou plusieurs nageurs guyanais aux Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo et de 2024 à Paris. J’espère également qu’il y aura des médaillés, mais tant que nous n’aurons pas plus de cadres, plus de professionnels de la natation sur le territoire, la natation guyanaise restera fragile. Depuis 2014, l’ERFAN de Guyane n’a plus organisé de formation BJEPS AAN faute de candidats. Parmi la dizaine de diplômés de cette promotion, certains sont partis en métropole, d’autres sont restés au pays, mais ils exercent uniquement comme maîtres-nageurs. Trop peu entraînent. A l’image de « Ma Guyane nage », nous avons appris à nous débrouiller avec peu de moyens, mais il y aurait vraiment besoin d’un plan de développement et de rénovation des infrastructures pour que la natation guyanaise puisse s’épanouir et rester une terre de champions.

Des champions qui pourraient s’exprimer en Guyane à l’occasion d’une grande compétition internationale ?

C’était l’objectif de l’Open Festival de Natation organisé depuis 2011 au Centre nautique de Cayenne par le Megaquarius. Outre nos meilleurs nageurs locaux, ce meeting a également accueilli Florent Manaudou ou Coralie Balmy ! Du 15 au 17 février 2019, le « Festi’nat » va prendre le relais. En pleine période de carnaval, nous avons à cœur de montrer que la natation peut être un spectacle. Pour autant, la compétition sera également bien présente. A ce titre, nous envisageons de récompenser les vainqueurs par une pépite d’or. Nos champions ne sont-ils pas des pépites ?

Recueilli par Jean-Pierre Chafes

Téléchargez gratuitement le numéro spécial Guyane ici !

Partager la page