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Il y a quatre ans, quand le High Diving signé son entrée au programme des championnats du monde de natation à Barcelone (2013), nous n’avions pas manqué d’aller les regarder plonger dans la rade catalane. Déjà, nous avions été soufflés, bluffés par leur maestria, par la beauté de ces anges tombés du ciel et l’enchaînement de leurs figures. Reste que cette année, à Budapest, le spectacle a encore franchi un palier. Après deux jours de grisailles, c’est sous un ciel dégagé et avec une légère brise que les « plongeurs de l’impossible » se sont élancés de 27 mètres dans une fosse de quinze mètres de diamètre bâtie spécialement sur le Danube. L’occasion était trop  belle de demander à l’unique tricolore engagé dans cette épreuve, le Strasbourgeois Cyrille Oumedjkane, de nous faire le récit de sa première journée de compétition (il replongera dimanche 30 juillet pour les deux derniers tours, ndlr). Rencontre.

Les installations sont magnifiques. Ça doit être un régal de pour les athlètes.

Oui, c’est très plaisant ! Les Hongrois ont construit une fosse spécialement pour nous. Ça fait plaisir (sourire)… D’ordinaire, nous plongeons plutôt en milieu naturel, dans des fleuves, des rivières ou des ports, comme c’était le cas aux championnats du monde de Barcelone en 2013, mais là, nous avons notre piscine.

Cette petite fosse de quinze mètres de diamètre doit paraître bien petite de la plateforme qui culmine à 27 mètres.

D’habitude, le plan qu’on a de la plateforme est très large, mais là, c’est vrai que c’est tout petit. Ça change un peu nos repères, mais bon, à titre personnel j’ai déjà fait des spectacles au cours desquels il fallait plonger dans une fosse. Sauf que je ne plongeais pas de 27 mètres.

(Deepbluemedia).

Pour revenir à la compétition peux-tu nous dire comment tu as abordé ces deux premiers rounds ?

A l’entraînement, ça ne s’était pas trop mal passé, mais une fois lancé dans la compétition, ça a été plus compliqué. Disons que j’ai bien réussi mon premier plongeon, mais que j’ai accroché le second.

Que s’est-il passé ?

J’ai plié les jambes en l’air…

C’est-à-dire ?

Cela signifie que j’ai ouvert beaucoup trop tôt. J’ai essayé de rattraper comme je le pouvais, mais ça ne se passe pas toujours comme on veut, malheureusement (sourire)

As-tu été gêné par le vent ?

Non, ça allait. En tout cas, il y en avait moins qu’il y a deux jours à l’entraînement. Quand je suis arrivé à Budapest, le temps était tristounet, mais heureusement, le ciel s’est dégagé au bon moment.

(Deepbluemedia).

Qu’éprouves-tu à l’issue de ces deux premiers rounds ? De la frustration ?

Ce n’est pas encore fini. Il va falloir que je me rattrape dimanche, mais bon, il faut reconnaître que ce n’est pas très bien parti. Malgré tout, tout est possible ! Demain, je vais m’entraîner en essayant de régler les petits détails qui n’ont pas été. En espérant que cela suffise pour dimanche (sourire)

A quoi penses-tu quand tu es là-haut ?

Je pense à mon plongeon, à la manière dont il va falloir ouvrir et puis, de plus en plus, à ne pas me faire mal… A 41 ans, je fais plus attention à mon corps qu’avant.

Est-ce que cela a un impact sur tes plongeons ?

Forcément car il y a des risques que je ne prends plus. Je m’en tiens aux séries que je connais bien et, surtout, que je maîtrise. Et puis, j’ai un emploi, le plongeon, c’est ma passion, mais je dois gagner ma vie. Alors, je manque un peu de temps pour m’entraîner. Or, pour travailler une nouvelle série de plongeons, il faut du temps. Les têtes d’affiche du High Diving (le Britannique Gary Hunt ou la légende colombienne Orlando Duque, ndlr) vivent de leur sport, mais c’est loin d’être mon cas.

(Deepbluemedia).

Quelle est ton activité professionnelle ?

Je suis maître-nageur à Strasbourg. Malheureusement, il n’y a pas de plongeoirs dans ma piscine. Je suis donc obligé de changer de bassin pour répéter mes séries (rires)

T’entraînes-tu avec le groupe d’Alexis Coquet ?

Oui, c’est ça, à Schiltigheim. Il y a une plateforme à 10 mètres. C’est là que j’ai commencé le plongeon quand j’étais gamin (sourire)

A quel âge ?

C’était en 1985. J’avais 9 ans.

Et le High Diving ?

En 2000, à 24 ans.

(Deepbluemedia).

Qu’est-ce qui t’a séduit dans cette discipline pour le moins hors normes ?

Au début, c’était le fun, l’adrénaline et puis la peur aussi…

La peur ?

Tous les mecs qui s’élancent de 27 mètres ont peur. Celui qui prétend l’inverse est un menteur.

Les risques et la peur n’ont pas l’air de t’avoir « refroidi ».

Ça ne m’empêche pas de continuer, mais je suis lucide : les petits jeunes qui sont arrivés sur le plateau sont très forts. Techniquement, je suis dépassé. Je commence à me faire un peu vieux, mais bon, j’ai encore le niveau pour participer aux championnats du monde (sourire)

(Deepbluemedia).

Et le plaisir dans tout ça ?

Je suis heureux de plonger et de voir la reconnaissance dont bénéficie, à présent, ma discipline. Quand j’ai commencé en 2000, ce n’était pas le cas. Notre sport était marginal. On était pris pour des kamikazes ou des têtes brûlées. Il y avait déjà deux ou trois épreuves de High Diving, mais c’est vraiment en 2009 que les choses ont commencé à devenir sérieuses.

Continues-tu de participer au circuit organisé par Red Bull ?

Oui, mais seulement quand je trouve le temps. Déjà que j’y consacre à peu près toutes mes vacances (sourire)

As-tu suivi le titre de champion du monde remporté par Laura Marino et Matthieu Rosset dans l’épreuve du Team Event des Mondiaux hongrois ?

Bien sûr et je trouve ça magnifique ! Ils ont fait un truc grandiose. Champion d’Europe et champion du monde, c’est un rêve ! Ça fait plaisir d’avoir une reconnaissance en plongeon et ils le méritent tous les deux.

Ce titre va-t-il permettre de soutenir le développement de la discipline ?

Sincèrement, je l’espère ! Dans la perspective des Jeux de Paris en 2024, j’espère que cela va inciter à construire des piscines avec des plongeoirs et que les Français vont suivre notre sport parce que, pour l’heure, il y a de moins en moins d’équipements.

Et qu’en est-il de ta succession ?

N’allons pas trop vite (sourire)… Pour l’instant, aucun candidat n’émerge. J’essaie de pousser Matthieu (Rosset), mais je pense qu’il y songera lorsqu’il arrêtera sa carrière. En tout cas, j’espère qu’il y aura une relève après moi (sourire)

Recueilli à Budapest par A. C.

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