Il était au-dessus de l'eau. Flottant, virevoltant, dégageant à la fois puissance et la même sérénité qu'il renvoie en dehors de l'eau. Ce papillon, héros en habits de lumière ornés d'or, c'est Maxime Grousset. Titré en cette pénultième soirée des championnats du monde de Singapour, samedi 2 août, le Néo-calédonien a stupéfait, conquis et surpris le monde entier. Il a même fait trembler l'Europe en délogeant en 49"62 le record d'Europe de Kristof Milak pour six centièmes. Intenable, en furie après avoir vu le numéro un et le temps, "Max" a fracassé l'eau après être monté sur la ligne, s'est tenu la tête et a fait le demi-tour du bassin, pour aller enlacer d'abord Mathieu Neuillet qui l'a apprivoisé cette année, mais surtout Michel Chrétien. Celui qui est comme un père pour lui et l'a accueilli en métropole à Amiens, avant de l'emmener avec lui à l'INSEP. Sans oublier de saluer le coach de son dauphin et ami, Noè Ponti. La classe ne s'achète pas, elle s'acquiert par des actes, sportifs ou non. Lui, l'a. Relevé après des Jeux sans médaille individuelle, il s'est envolé pour briller de mille feux, conquérant son deuxième sacre sur 100 m papillon, après celui de Fukuoka en 2023. Il s'offre par la même occasion le doublé 50-100 m papillon sur ces championnats et en est désormais à sept médailles individuelles aux championnats du monde, dont trois en or. Et dans une soirée qui marquera forcément à jamais ces Mondiaux voire l'histoire de la natation, il a été chercher en fin de soirée le bronze avec le relais 4x100 m nage libre mixte. Surexcité, les yeux grands ouverts et s'accroupissant pour essayer de faire redescendre toutes ces émotions, Maxime Grousset est arrivé en zone mixte pour se confier sur les deux folles dernières heures de sa vie.
Maxime Grousset, champion du monde du 100 m papillon (49"62, record d'Europe) :
"Ouais c'est fou. Je voulais frapper un grand coup. Je me sentais vraiment bien en série, en demi-finale, mais quand je me suis levé ce matin, c'était encore autre chose. Je me suis senti encore mieux. Je me suis bien reposé, j'ai bien dormi. J'étais serein, j'avais envie de faire une très belle course et de gagner. C'est chose faite. C'est fou ce temps. Je voulais un jour casser cette barrière. Je l'ai fait assez fortement (rires). Je pense pouvoir faire 49"9 ou 49"8, mais de là à faire 49"6, je ne pensais pas honnêtement et ça fait du bien. Ce matin, je ne sais pas comment l'expliquer, mais je me suis levé assez serein, je n'ai pas senti de stress. J'ai senti beaucoup d'énergie. Je savais que j'étais en forme.
J'ai bien senti ce flow, surtout sur le premier 50 m. Sur le deuxième c'était plutôt au mental, parce que je commençais à craquer un peu à la fin. Je sentais que Noè (Ponti) me rattrapait, mais qu'il fallait encore faire des mètres pour me rattraper et que ce n'était pas aussi évident que cela. J'ai vraiment kiffé.
Je suis deux fois champion du monde du 100 m papillon, donc j'ai assumé le statut. Et deux fois champion du monde sur cet évènement, à chaud, je ne sais pas ce que ça représente, mais je suis fier. La Marseillaise était géniale, toujours pareil, mais j'ai moins entendu cette fois les gens chanter alors que pour le 50 papillon j'avais des gens qui chantaient juste derrière moi. C'était vraiment plaisant. Je me sentais un peu seul, mais ce n'est pas grave. C'était primitif comme célébration (rires). On a fait la course et j'ai gagné. J'étais trop content pour ça. C'est simple, mais c'est comme ça.
Sur cette soirée, je me suis échauffé, je me suis senti très, très bien. Mieux qu'hier. Après j'y suis allé simplement. Michel (Chrétien) m'a donné deux-trois consignes qu'il m'avait déjà dit mais pour qu'ils soient bien ancrés. Lui aussi m'a parlé de flow, de me laisser aller sur ce premier 50 m. Je n'ai pas eu de retenue donc j'ai foncé. Après il y a eu le podium et j'ai bien récupéré, ça va. Mais par contre, ce n'était pas facile cinq minutes après de se mettre derrière le plot et d'être focus sur le 100 m crawl. D'ailleurs ça s'est vu, c'était un peu dur, malgré le fait que ce soit un bon chrono pour un 100 m.
Cette médaille de bronze en relais fait plaisir, elle est collective. Elle fait du bien parce que c'est autre chose de gagner une médaille en collectif, on la partage. Ce n'est pas moi qui ait fait la performance, je n'ai pas fait un énorme 100 m, mais derrière on a eu Yann qui a nagé très fort, Marie et Béryl ont nagé très, très fort. Béryl sur ses deux derniers bras, je pensais qu'on était derrière les Italiens mais elle a parfaitement touché le mur. Et encore merci aux jeunes qui ont nagé ce matin, parce que ça a pu me reposer, reposer une autre fille le matin, donc c'est une équipe et elle est de plus en plus forte.
Je sens cette nage, je n'ai pas eu besoin de l'apprivoiser. C'est de l'instinct, je me sens bien en papillon. Je pense que je suis un nageur qui a de la puissance et le fait de faire du papillon m'aide à canaliser cette puisance, parce qu'à chaque fois c'est de bras à bras et il faut être patient à l'avant. Derniers coups de bras demain."

À Singapour, Louis Delvinquière